Discussion à bâtons rompus avec ChatGPT

Zineb Ibnouzahir

Zineb Ibnouzahir . Achraf Akkar

ChroniqueBientôt on ne débattra même plus de liberté de la presse, la question sera has been. On ne s’embarrassera plus avec le respect de la déontologie et on n’aura plus à tenter de répondre à des questions casse-gueule du type faut-il faire le distinguo entre le journaliste et le violeur.

Le 29/01/2023 à 13h04

Si vous ne connaissez pas encore ChatGPT, alors vous avez déjà quelques trains de retard. Cet outil révolutionnaire, qui a été lancé en novembre 2022, a été développé par OpenAI, une organisation de recherche en intelligence artificielle fondée en 2015 par un groupe d’entrepreneurs, et dont les cofondateurs sont Sam Altman et le milliardaire Elon Musk.

ChatGPT est un type de modèle de langage utilisé pour prédire du texte en fonction des données d’entrée. Autrement dit, ChatGPT utilise des algorithmes de traitement de langage naturel pour prédire du texte, en réponse à un mot, une phrase, une question que vous allez lui soumettre.

Il est donc possible de discuter avec cette intelligence artificielle et de lui poser tout un tas de questions sur à peu près tout ce qui vous passe par la tête, car cet outil hallucinant a réponse à tout, ou presque. Démonstration…

Thé ou café? L’œuf ou la poule? Être ou ne pas être? Pourquoi le ciel est bleu? Est-ce que je l’appelle ou j’attends qu’il me rappelle? Il fout le bordel partout dans la maison, qu’est-ce que je fais? Y aura-t-il une guerre entre le Maroc et l’Algérie? Emmanuel Macron aime-t-il le Maroc? Quelle est la couleur des chaussettes du président Tebboune? Les Algériens manquent-ils de bananes? Les Marocains doivent-ils se foutre de la résolution du Parlement européen sur les droits de l’homme et la liberté de la presse?... Il a réponse à tout.

On peut y passer des heures, l’outil est intarissable et ses réponses construites ont d’ailleurs donné des idées de changement à certains, pour gagner en temps et en argent.

A commencer par la presse dont certains acteurs comment à se demander s’ils ne remplaceraient par certains journalistes/rédacteurs par cette intelligence artificielle. C’est déjà le cas de la plateforme Buzzfeed qui a annoncé qu’elle utilisera désormais la technologie de la société d’intelligence artificielle OpenAI pour son contenu. C’est aussi le cas du site technique CENT, qui a utilisé un outil d’intelligence artificielle pour générer des articles… Vous voyez le topo?

Bientôt on ne débattra même plus de liberté de la presse, la question sera has been. On ne s’embarrassera plus avec le respect de la déontologie du métier ou à tenter de répondre à des questions casse-gueule du type faut-il faire le distinguo entre le journaliste et le violeur.

Au Parlement européen par exemple, on pourra alors adopter des résolutions sur l’éthique en matière de recours à une intelligence artificielle. On pourra aussi débattre sur les dangers de la manipulation de ce nouveau journalisme pour influencer l’opinion publique… Une question que la France se pose déjà d’ailleurs, après avoir découvert le déjeuner secret organisé à l’Elysée par Emmanuel Macron avec dix journalistes politiques français influents, 48 heures avant la grève nationale contre la réforme des retraites, en vue de leur fournir les «éléments de langage» du président. En off bien sûr, sans citer le président et sans mentionner le déjeuner. Imaginez un peu l’utilité de ChatGPT dans un tel contexte. Plus besoin de payer un déjeuner hors de prix à des journalistes pour leur faire pondre un texte bien comme il faut. Il suffira de commander un article taillé sur mesure, avec les bons éléments de langage et livré… en quelques secondes.

Car oui, ChatGPT sait aussi écrire des articles, des éditos, des dissertations… Voilà pourquoi les étudiants en raffolent et les professeurs se retrouvent aujourd’hui confrontés à un nouveau fléau. D’où la nouvelle question du moment: est-ce que chatter c’est tricher? Sciences Po en France a tranché: oui c’est de la fraude, et a interdit à ses étudiants son utilisation sous peine de sanctions.

Car l’outil se débrouille plutôt bien sur les bancs de l’école. Un test a d’ailleurs été effectué par un enseignant de l’université de Wharton, aux Etats-Unis, Christian Terwiesch, qui a soumis le chatbot d’OpenAI à un examen de son cours de management des opérations dans le cadre du cursus MBA. A ce petit jeu-là, l’intelligence artificielle a obtenu des notes de B- à B, soit 10,5 à 12 sur 20. Alors oui, c’est pas excellent, mais ça surpasse quand même le niveau de beaucoup d’étudiants américains. Alors méfiez-vous chers parents, si vos enfants terminent en ce moment leurs devoirs à vitesse grand V et si leur orthographe naguère chancelante s’est soudainement corrigée.

In fine, celles et ceux à qui profitent cette technologie miraculeuse, ce sont nos amis les influenceurs qui n’auront plus à faire des efforts surhumains, ni aucun effort du tout d’ailleurs, pour faire rimer crème solaire avec Baudelaire. Car pour celles et ceux qui ont fait du «moins j’en fais plus je gagne» leur devise professionnelle, ChatGPT peut générer automatiquement des publications, des tweets et des publicités pour les médias sociaux, y intégrer des émojis, trouver les hashtags adéquats, rédiger un script pour une vidéo sur les réseaux sociaux, élaborer une stratégie, un calendrier éditorial… Bienvenue dans cette magnifique nouvelle ère, celle de l’éloge de la facilité, de la glande et du profit.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 29/01/2023 à 13h04