Certes l’arabe est la langue officielle de notre pays. Il y a aussi l’amazighe. Apprendre l’arabe classique est fondamental. Cela ne se discute pas. L’arabe est une belle langue, riche, complexe, charriant une grande civilisation. Comme l’indique l’article 5 de la Constitution, «l’Etat doit œuvrer à sa protection et son développement».
Cette même langue incite, dans son essence même, l’apprentissage d’autres langues, dites étrangères. Elle a joué un rôle éminent dans la traduction des philosophes et historiens grecs au moment où le monde entier voyait en cette langue le plus beau véhicule de la culture.
Ainsi pour respecter la vocation de cette langue, c’est en totale cohérence qu’un élève marocain devrait arriver au baccalauréat maîtrisant au moins deux langues en plus de l’arabe classique.
Avant de polémiquer avec des dirigeants politiques qui sont au service d’une idéologie de fermeture et de régression, il faut juste regarder les faits et les réalités. Un étudiant qui arrive sur le marché du travail avec une langue unique, a peu chance de trouver un emploi. Le monde d’aujourd’hui s’est mondialisé et plus on parle de langues plus on a des chances de trouver une place dans cette planète en perpétuel mouvement et qui est impitoyable. Ceux qui y réussissent sont des éléments maîtrisant plusieurs langues étrangères, en particulier l’anglais, le français, l’espagnol et bientôt ce sera le chinois qu’on vous réclamera.
Accueillir et apprendre les langues est une nécessité qui ne se discute pas. Rien n’empêche l’étudiant d’approfondir l’étude de l’arabe classique en plus des autres langues.
Quand j’étais au collège à Tanger, nous avions des cours d’arabe assez complets et une formation linguistique de qualité. Nous arrivions au bac totalement bilingue et nous n’avions rien cédé aux langues étrangères que nous maîtrisions avec plaisir et fierté. Mon père appréciait beaucoup que ses enfants possèdent deux langues au moins. Il nous incitait en plus à apprendre une troisième langue tout en insistant sur l’importance de la langue arabe que nous devions approfondir.
Le débat ces derniers temps au parlement a opposé d’un côté le PJD allié à l’Istiqlal aux autres formations politiques. Les deux premiers veulent que l’enseignement des matières scientifiques se fasse en arabe et rejettent le français, craignant, d’après ce qu’a déclaré un député islamiste de «franciser le Maroc», ce que l’ancien Premier ministre Benkirane a résumé ainsi : «c’est une politique de lobbying exercée par des personnes qui cherchent à franciser la société». Les autres suivent les recommandations du Conseil supérieur de l’enseignement qui avait étudié le terrain sous la houlette de Omar Azziman, un grand intellectuel, un homme juste et ouvert sur le monde. Ces mêmes idées ont été développées par le roi Mohammed VI dans un discours prononcé le 30 juillet 2015: «Maîtriser les langues nationales et étrangères, notamment dans les filières scientifiques et techniques qui ouvrent les portes de l’insertion sociale». C’est clair, logique et vrai.
Durant le règne de feu Hassan II, pour des raisons strictement idéologiques et démagogiques, on a arabisé l’enseignement de façon improvisée et incohérente, non scientifique, pendant que les dirigeants des partis traditionalistes veillaient à ce que leurs enfants suivent les cours de la Mission française. Je crois que nous assistons aujourd’hui au même schéma. Ce serait intéressant de savoir où se trouvent les enfants des députés PJD et Istiqlaliens qui militent pour un enseignement uniquement en arabe.
Que ce soit au Liban ou en Egypte, l’arabe est certes la langue principale, mais elle est toujours accompagnée de l’anglais ou du français. On pourrait au Maroc faire un choix non politique ni idéologique mais pragmatique et donner à nos enfants la possibilité de s’enrichir en ayant à leur disposition en plus de l’arabe, une ou deux autres langues étrangères notamment dans les matières scientifiques. Il faut dégager la langue du carcan politique et idéologique. Je ne défends pas particulièrement le français ou l’anglais. Je souhaite simplement que les élèves du secteur public puissent enrichir et développer leur imaginaire dans autant de langues et de cultures possibles, surtout s’ils se destinent à parfaire leurs études supérieures dans des universités de niveau international que ce soit en Europe ou en Amérique.
Il faut être logique et regarder le monde tel qu’il est. Faire le pari de l’ouverture et de la modernité serait cohérent avec l’esprit qui a tant prévalu dans la langue arabe quand les Arabes avaient dédié leur vie à la culture dans le sens de l’universel. A l’époque, ils étaient célébrés et admirés.