Le goût de la gastronomie africaine se répand au Maroc. Méconnues par une grande majorité des Marocains il y a une dizaine d’années, ces saveurs d’ailleurs séduisent de plus en plus les papilles gustatives des consommateurs du Royaume. Au premier rang, les Subsahariens, mais aussi les marocains.
Vulgariser davantage cette cuisine dans le Royaume, c’est l’ambition de Lindsey Kamara, une Franco-Ivoirienne de 38 ans. Premier mets de cette spécialiste de la communication digitale: l’Afro Food Fest (AFF), un évènement co-organisé en mai dernier 2023 avec Mohamed Berryane El Ouazzani, président de l’Union marocaine des arts.
«J’ai eu l’idée, avec mon partenaire, d’organiser la première édition de ce festival pour mettre en avant la culture africaine au Maroc à travers la gastronomie. Au Maroc et en Afrique subsaharienne, on a cette même vision de la cuisine articulée autour du partage et de l’échange. Nous avons estimé que la gastronomie est un moyen simple et abordable pour connaître la culture africaine», explique-t-elle.
Ce rendez-vous culinaire a été marqué par l’organisation d’une conférence intitulée «L’Afrofood business : enjeux et opportunités au Maroc». Quatre intervenants travaillant dans la gastronomie africaine ont partagé leurs expériences, l’état des lieux du secteur, ainsi que les entraves qui freinent son développement au Maroc.
Des entreprises qui font des produits à base d’ingrédients africains y ont également participé. «A l’heure du déjeuner, nous avons dégusté le buffet composé d’une dizaine de plats originaires de quatre pays d’Afrique subsaharienne, à savoir le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Gabon et le Cameroun. Les participants et les intervenants de l’AFF ont pu déguster les différents mets sur place», raconte Lindsey Kamara.
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Interrogée sur l’engouement grandissant pour la gastronomie africaine au Maroc, l’entrepreneure établie dans le Royaume depuis 2018 cite deux principaux facteurs: les étudiants subsahariens (estimés à environ 20.000 actuellement), qui arrivent massivement au Maroc pour y poursuivre leurs études, et les nombreux cadres subsahariens résidant au Maroc et qui privilégient cette gastronomie.
«Ces deux catégories arrivent dans le Royaume avec leurs traditions, leurs cultures, et leurs goûts culinaires. Cela crée des opportunités pour ce secteur et un engouement autour de ces cuisines qui étaient quasiment inconnues au Maroc», explique notre interlocutrice.
Les Marocains aussi, friands de cuisine africaine
Les jeunes Subsahariens sont d’ailleurs les promoteurs par excellence de cette gastronomie. En tissant des liens d’amitié avec leurs amis marocains, ils leur ont fait découvrir cette cuisine et certains ont été conquis. «Je connais beaucoup de jeunes Marocains friands de cette nourriture, qui adorent l’alloco et l’attiéké (plats ivoiriens), à travers leurs camarades de classe.»
D’après Lindsey Kamara, il y a également de nombreux Marocains qui ont vécu au Sénégal, en Côte d’Ivoire, ou dans d’autres pays d’Afrique subsaharienne, et qui reviennent au Maroc avec cette double culture. «Il existe également beaucoup d’hommes d’affaires marocains qui travaillent avec des pays d’Afrique subsaharienne, comme le propriétaire du restaurant “Bambou d’Afrique”, M. Jamal Bennani. Autant de facteurs qui encouragent la consommation des cuisines subsahariennes au Maroc», ajoute-t-elle.
Avant de concocter ses mets, il faut évidemment rassembler les ingrédients nécessaires, des produits dont l’importation n’est pas chose aisée. «Le principal frein, c’est le manque d’organisation et d’un écosystème solide qui pourraient faciliter l’acheminement de ces produits vers le Royaume», constate Lindsey Kamara. «C’est un marché encore balbutiant qu’il faut structurer davantage. J’invite d’ailleurs les industriels marocains de la bouche à s’intéresser davantage à ce secteur qui a un avenir prometteur au Maroc dans le pays.»
Après le premier jet, Lindsey Kamara se projette déjà sur la deuxième édition de l’Afro Food Fest. «Nous sommes en train de réfléchir sur l’organisation de la deuxième édition, sous forme de festival itinérant dans plusieurs villes comme Marrakech, Rabat, Tanger, Essaouira...», confie la communicante, qui travaille parallèlement sur un projet personnel: la création d’un restaurant spécialisé dans la gastronomie africaine au Maroc.