Nous sommes nombreux, parmi ses anciens condisciples, à nous être réjouis de la nomination de Saïd Ahmidouch comme wali du Grand Casablanca. Cela fera bientôt quatre décennies que nous le connaissons et nous n’avons que des bonnes choses à dire à son propos. Je voudrais, quant à moi, insister sur un détail peut-être peu connu de sa personnalité: cet homme travailleur et intelligent est aussi un grand lecteur.
Quand il est arrivé au lycée Lyautey en 1977 pour commencer sa “taupe“– mathématiques supérieures/ mathématiques spéciales– je me suis vite aperçu qu’il n'était pas un “taupin“ comme les autres. Tous étaient passionnés de maths et de physique mais nous n'étions que quatre ou cinq à aimer la lecture. Dans leur rares moments de loisir, certains allaient au cinéma L’Arc s’ébaubir devant les exploits de Trinita ou l’errance tragique du Travis de Taxi driver; d’autres jouaient au football ou bricolaient des transistors, comme Slimane K.; mais Mohamed S. (qui fera de la politique et de la diplomatie parallèle), Saïd A. (devenu curieusement journaliste), Ahmed R. (dont je parlerai plus loin), Saïd Ahmidouch et moi, nous lisions. Romans, nouvelles, poésie, tout faisait ventre.
– C’est du temps perdu, grommelaient certains de nos petits camarades.
Quelques années plus tard, à l’Ecole des Mines de Paris où il faisait ses études, Saïd Ahmidouch venait parfois me chercher dans mon minuscule bureau de chercheur, perché au-dessus de la bibliothèque. Nous allions alors prendre un café sur le boulevard Saint-Michel. Il avait toujours des livres de poche sur lui. Et voilà ce qui me rendait vert de jalousie: il lisait aussi bien en français qu’en arabe. (C’est peut-être cela qui m’a incité à me lancer dans l'étude acharnée de l’arabe pour arriver comme lui à lire Mahfouz ou Zefzaf dans l’original– c’est bien, l’émulation…)
Rentré au Maroc, il fit une belle carrière jusqu'à prendre la tête de la CNSS. Qui pouvait se douter que ce technocrate ami des chiffres aimait aussi les lettres?
En tout cas, je voudrais saisir cette occasion pour dire aux jeunes gens qui se lancent dans les classes préparatoires (ou plus généralement dans les études): il faut lire. Tiens, je vais l'écrire en majuscules pour bien me faire entendre: LIRE, CE N’EST JAMAIS DU TEMPS PERDU. Ça peut mener loin: à la tête de la préfecture de Casablanca, par exemple.
Et si vous n'êtes pas encore convaincus, sachez que l’autre de mes condisciples de Lyautey qui aimait lire s’appelait (et s’appelle toujours) Ahmed Rahhou. Après une brillante carrière de banquier, il vient d’être nommé ambassadeur auprès des institutions européennes, à Bruxelles. La superbe librairie Tropiques, au cœur de la galerie des Princes, aura bientôt un nouveau client…
Ainsi, jeunes gens d’avenir, la démonstration est achevée et voici le mot d’ordre: LISEZ!