Avant, Bouskoura n’était que la forêt de Casablanca, là où se réunissaient les familles, spécialement en fin de semaine pour s’évader de la frénésie de la ville et avoir un moment de calme, respirer l’air pur et faire un peu de sport au milieu d’une belle nature. Désormais, Bouskoura est bien plus que ça, elle s’est étendue jusqu’à devenir une ville à part entière, que l’on appelle pompeusement la ville verte, un lieu en pleine expansion urbaine.
À notre arrivée, au lieu d’être accueillis par un «vert» luxuriant qui invitait autrefois à la détente, c’est un paysage de «nature morte» dominé par des teintes de beige, de jaune et de marron qui s’offre à nos yeux. Nous ne sommes pourtant pas en automne. La végétation, jadis dense et riche, parait aujourd’hui pâle et clairsemée, comme si elle avait du mal à suivre le rythme effréné de développement urbain qui l’entoure et l’étouffe.
Mais ce n’est pas seulement la nature qui semble avoir été négligée. Lorsqu’on arrive avec une envie de dépaysement, on est très vite déçus de voir que le paysage est troublé par une rangée de petits commerces et de coopératives œuvrant sur place, attirant plus de visiteurs sous leurs tentes que dans les profondeurs tranquilles de la forêt. L’air est chargé d’odeur d’huile et de nourriture, et le stationnement anarchique des voitures dans les parages des commerces contraste avec un parking avec des places disponibles situé juste en face.
Cependant, le plus frappant est la profusion d’ordures qui jonchent les sentiers. Une véritable pollution visuelle. Certes, la forêt manque cruellement de poubelles, mais ce n’est pas non plus une raison pour laisser ses déchets parsemés partout dans les bois. Une pancarte invite gentiment les visiteurs à remballer leurs déchets en quittant la forêt, afin de les jeter à la première benne à ordures publique sur leur chemin. Il est aussi mentionné en gras «Le feu et les déchets sont les ennemis de la forêt». À Bouskoura, force est de constater qu’il suffit de baisser les yeux pour en trouver une montagne. Manque de civisme ou désinvolture totale? Surtout un manque d’éducation sur les enjeux environnementaux, parait-il.
Pancarte de sensibilisation contre les déchets et les risques d'incendie. (S. Bouchrit / Le360)
En évoquant le feu, l’heure est grave! Avec l’été qui s’installe et les températures qui commencent à monter, la vigilance est de mise. Entre les nombreux sachets en plastique, bouteilles, canettes et papiers laissés sous un soleil tapant, et les interminables brindilles sèches qui craquent sous les pieds à chaque pas dans la forêt, le risque d’incendie est très élevé et l’irresponsabilité des Casablancais peut coûter cher à la ville.
L’animation propre aux lieux semble également avoir déserté Bouskoura. Si autrefois les dimanches étaient ponctués de pique-niques et d’activités familiales, aujourd’hui la forêt parait étrangement vide, à l’exception de quelques parents surveillant leurs enfants dans une aire de jeux –qui n’est pas dans le meilleur de ses états– ou de quelques sportifs du dimanche. Ces derniers nous confient qu’ils viennent faire du sport à Bouskoura, mais affirment ne pas être satisfaits de l’état de la forêt.
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Les allées ombragées, symboles de santé et de propreté, révèlent aujourd’hui des arbres d’eucalyptus abattus et une atmosphère étouffante plutôt que rafraîchissante. Ce qui devait être le poumon vert de la ville semble maintenant asphyxié, laissant les visiteurs avec un cœur lourd plutôt que léger après une journée passée dans ses confins.
Cependant, parmi les déceptions et les désillusions, une lueur d’espoir: les cavaliers de la brigade équestre qui sillonnaient les allées de la forêt sans arrêt. Bien que les infrastructures et la propreté laissent à désirer, la sécurité des visiteurs est, elle, au moins assurée.