Les pharmaciens ont fermé leurs officines ce jeudi 13 avril 2023, dans le cadre de la grève nationale décrétée par la profession en riposte aux conclusions de rapports et aux déclarations qui fragilisent le secteur et ternissent son image.
La grève des pharmaciens a été largement suivie, avec un taux de fermeture des officines avoisinant 98% à midi, selon des responsables syndicaux. Des pharmacies de garde ont été néanmoins ouvertes toute la journée, comme l’affirment plusieurs professionnels interrogés par Le360.
«Notre posture n’est pas capricieuse»
«C’est un cri du cœur en réponse à l’appel unanime de tous les pharmaciens marocains, déterminés à se faire entendre. Cela fait maintenant une décennie que nous tentons de faire entendre nos voix aux différents ministres de la Santé qui se sont succédé. Rien n’a abouti. Nous avons soumis notre dossier revendicatif et exprimé nos attentes en tant que professionnels de santé, mais nous n’avons pas été écoutés ni accompagnés», explique Oualid Amri, vice-président du Syndicat des pharmaciens du Grand Casablanca.
Ce dernier ajoute: «On nous a précédemment promis que nous serions accompagnés face à la cascade de baisses de prix, déclenchée depuis 2014, mais rien n’a été fait en ce sens. Au Maroc, tous les produits sont en train de flamber et cela affecte notre pouvoir d’achat en tant que citoyens marocains et pharmaciens.»
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La situation est alarmante: «Sur un total de 12.000 pharmacies, près de 3.000 sont actuellement en grande difficulté financière, au point que leur fermeture définitive est envisagée. Il est urgent de lancer un véritable dialogue et de prendre des mesures concrètes pour soutenir les pharmaciens, dont près d’un tiers sont en situation précaire et risquent la faillite», plaide Oualid Amri, signalant que cette grève nationale «n’est pas une action capricieuse ou injustifiée. Au contraire, elle résulte d’un long combat pour la reconnaissance et la défense de nos droits.»
Mohamed Lahbabi, président de la Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc (CSPM), est de cet avis: «Cette grève n’a pas été déclenchée sans raison. Elle a été motivée par les difficultés rencontrées par les pharmaciens au Maroc et leur désir de voir leurs revendications prises en compte. Environ 98% des pharmacies ont fermé leurs portes, ce qui montre à quel point la situation est préoccupante», fait-il savoir, relevant que le dialogue avec le ministère de la Santé est au point mort depuis plusieurs années.
Le syndicaliste évoque également les chiffres avancés par la Cour des comptes, qui «ont été sortis de leur contexte» et ont «terni l’image du pharmacien au Maroc». «Malgré cela, dénonce-t-il, le ministère de la Santé est resté silencieux, ce qui a créé une situation de frustration et de colère parmi les professionnels. C’est cette situation-là qui a finalement conduit à la grève nationale.»
Des pharmacies ont assuré la garde
Mohamed Lahbabi tient, par ailleurs, à signaler que quelques officines ont assuré la garde, notant que «les urgences ne sont pas du ressort de la pharmacie d’officine. Toutefois, conscients des besoins des citoyens en cas d’extrême urgence, les pharmaciens ont mis à la disposition des autorités des numéros de téléphone et désigné des têtes de file de syndicats pour chaque ville, lesquelles peuvent être contactées à tout moment pour intervenir dans les meilleurs délais».
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De son côté, Ilham Lahlou, présidente du Syndicat des pharmaciens du Grand Casablanca, exprime sa préoccupation quant au déclin de la profession de pharmacien, qui se rapproche dangereusement de l’agonie. Selon elle, cette situation est due à l’attitude unilatérale du ministère de tutelle qui ne tient pas compte des avis des instances représentatives, ce qui a entraîné une baisse de la rentabilité des pharmacies.
«La grève d’aujourd’hui a donc été décidée en concertation avec toutes les instances syndicales pour dénoncer ces faits et faire entendre nos revendications. J’espère que cette mobilisation permettra de trouver des solutions durables pour la sauvegarde de la profession en travaillant ensemble avec toutes les parties prenantes concernées», déclare-t-elle.
«En tant que pharmacienne installée à Casablanca depuis 1987, je suis attristée de voir que notre profession est en crise. Nous sommes nombreux à déposer le bilan et nos rémunérations ne cessent de diminuer. C’est pourquoi cette grève est un signal fort que nous voulons donner aux décideurs pour qu’ils prennent en compte nos difficultés», déplore, de son côté, Maria Chami. «Nous espérons être entendus et que nos revendications seront prises en compte pour la sauvegarde de notre profession. Pour certains pharmaciens en difficulté, cette journée de fermeture est un véritable sacrifice.»
Le rapport de la discorde
Pour rappel, la grève nationale de ce 13 avril vient en protestation contre l’absence de communication et de concertation de la tutelle avec les acteurs du secteur ces dernières années. Les pharmaciens se disent également confrontés à différentes problématiques et à d’importantes difficultés financières.
Il est aussi question de réfuter les conclusions du dernier rapport de la Cour des comptes, selon lesquelles les marges bénéficiaires des pharmaciens sur les médicaments dont le prix hors taxes est inférieur ou égal à 588 dirhams varient de 47% à 57%. Le rapport indiquait également que pour les produits dont le prix de revient dépasse le seuil précité, les marges varient entre 300 et 400 dirhams par boîte, des montants bien supérieurs aux marges des pharmacies dans des pays comme la Turquie ou la France.