J’ai toujours été fasciné par des personnes qui, en toute tranquillité, décident d’accomplir des actions extraordinaires. Traverser en solitaire l’Atlantique, escalader en solitaire le mont Everest, faire le tour de tout un pays à pied, marcher dans le désert durant des semaines et des mois, etc.
Wilfred Thesiger, fils d’un diplomate britannique, a marché durant 1.300 km dans le désert d’Arabie. Il raconte cette aventure dans «Le désert des déserts» (éd. Pocket, collection Terre humaine). De même, le géologue français Théodore Monod a passé la majeure partie de sa longue vie à marcher dans le désert. Il a dit: «Dans le désert, vivre, c’est avancer sans cesse».
Ce sont des hommes d’exception. J’ai de l’admiration pour ces héros qui défient le temps et l’espace, qui tournent le dos au monde et ses fureurs.
J’ai été bouleversé en regardant certaines épreuves des Jeux paralympiques qui viennent de s’achever. C’est à voir, mieux et préférable aux autres jeux d’hommes et de femmes en bonne santé et qui établissent des records dans des domaines divers.
Le handicap est un malheur innocent. On n’y peut rien. Un accident à la naissance ou simplement un crime de la route sont à l’origine de millions de handicapés.
Respect.
Je lis dans Al Ittihad Al Ichtiraki ceci:
«Le cycliste marocain Karim Mosta a achevé un incroyable périple à vélo de sept mois reliant Casablanca à Pékin, couvrant plus de 15.000 kilomètres à travers 15 pays. À 70 ans, cet aventurier chevronné a traversé des paysages variés, des montagnes aux déserts, tout en affrontant des conditions météorologiques imprévisibles. Ce voyage s’inscrit dans la continuité de ses précédents exploits, dont celui de parcourir à vélo la distance entre Casablanca et La Mecque en trois mois. Karim Mosta continue de repousser les limites de l’endurance, de l’exploration, de l’aventure et du dépassement de soi.»
Cet homme a atteint la sainteté. À son âge, on devrait lui construire une maison simple, entourée d’oliviers, et on viendrait lui rendre visite sans rien lui demander. Une maison en haut d’une colline, loin des tracas de la ville, de la pollution et du bruit.
Cet homme connaît la vie mille fois mieux que ceux qui ont fait plusieurs fois le tour du monde en avion. Il sait ce qu’est la découverte, l’endurance, la fatigue, le bonheur d’être vivant dans une nature bienveillante, parfois difficile et même cruelle. Il sait aussi qu’il ne sait rien, car le savoir est dans la vie et la vie est infinie. Il a plusieurs fois l’occasion de constater combien l’homme dit «moderne» a sali et détruit la planète.
Ce que Karim a fait mérite plus qu’une médaille. Il devrait être donné en exemple et son cas devrait être cité dans les écoles. Un héros, certes, mais il n’a que faire des honneurs. Ce qu’il a entrepris, il l’a fait pour sa conscience, pour satisfaire sa volonté, même si elle frôle la folie et l’irrationnel.
Je n’ai pas l’honneur de le connaître, mais si je le rencontre, je ne parlerai pas, je l’écouterai. Il a tant et tant de choses à nous apprendre. Sa modestie fait partie de son exploit. J’imagine qu’il n’a pas fait ces voyages pour briller en société. Il les a faits pour lui, pour son âme, pour être en paix avec lui-même et avec ce monde si imprévisible.
Il faut un sacré courage pour décider d’entamer de telles épreuves. Il lui a fallu une belle force de caractère pour accepter d’endurer des situations qu’il ne connaît pas. Il lui a fallu une volonté de fer pour affronter la solitude absolue dont il doit faire une amie et une complice.
Dans une certaine mesure, c’est un artiste. Chapeau bas, l’artiste!