Nous n’avons pas besoin d’une tonne d’analyses, de rapports, de dossiers, de graphes pour faire un constat simple: le Maroc avance et laisse derrière lui une classe pauvre et une classe dite moyenne qui s’appauvrit.
Ce n’est pas un scoop. La richesse existe et profite à quelques-uns. On ne va pas faire de la critique gauchiste, caricaturale, mais on doit montrer les failles du pays, des failles béantes qui font que le pouvoir d’achat du Marocain est de plus en plus étriqué.
Les chiffres du Haut-Commissariat au plan (HCP) sont inquiétants. Ils disent une chose simple: les inégalités se creusent et une grande partie des citoyens en souffre.
À commencer par le prix du carburant. Normalement, il devrait correspondre au niveau du pouvoir d’achat. Or, il est plutôt presque au niveau du pouvoir d’achat européen. Ce n’est pas normal. Je parle du carburant, car c’est le point important pour toute l’économie: le transport, l’énergie, l’industrie, etc. Son prix se répercute par conséquent sur plusieurs domaines.
Allons plus loin et surtout vers un domaine qui fait mal: la santé. Certes, des hôpitaux modernes ont été construits et font du bon travail. Mais les Marocains se dirigent souvent vers les cliniques privées. Et là, c’est le système américain qui fonctionne: pas d’argent payé d’avance, pas d’hospitalisation. Pas d’argent après le décès d’un patient, pas de corps remis à la famille.
Ce sont des exemples que je connais personnellement. Je peux vous citer les noms de ces médecins et de ces cliniques. Je ne le ferai pas, parce que je ne suis pas un délateur. Mais c’est trop, c’est inadmissible, ça ne ressemble pas à nos valeurs. Voyez autour de vous et écoutez ce que racontent les personnes ayant eu affaire à des cliniques. C’est un système pernicieux qui a profité de l’état des hôpitaux publics pour s’enrichir. Entre-temps, la situation de ces hôpitaux s’est améliorée.
Je veux bien qu’une clinique veuille payer son matériel moderne. Je veux bien que les laboratoires d’analyses (il y en a partout, tellement c’est rentable) remboursent leurs crédits. Mais au-delà de cela, je ne vois pas d’éthique, je ne vois pas d’humanité, je ne vois pas de réalisme économique. L’argent obsède et rend fous ceux qui ont la possibilité de le faire entrer dans leurs caisses. Entre-temps, demandez à l’infirmière ou à la caissière combien elle est payée.
Une radiographie simple coûte 1.500 dirhams (c’est ce que j’ai payé à Tanger il y a quelque temps), une intervention chirurgicale coûte entre 10.000 et 20.00 dirhams, sans compter l’hébergement.
Passons au marché. Les Marocains ne sont pas de grands consommateurs de poisson, ce qui est dommage. Est-ce une raison pour vendre la sardine au quadruple de son prix habituel? Et la sole à un prix quasi parisien?
«Les gens parlent, se plaignent, constatent combien le Maroc change, combien il est devenu difficile de joindre les deux bouts.»
Tout s’explique. Mais à défaut d’un grand coup venant du gouvernement, à défaut d’une intervention pour empêcher la spéculation, l’arnaque et même une forme déguisée de vol, tout continuera comme avant, et la pauvre tomate du mois sacré du ramadan continuera à monter dans les prix jusqu’à s’écraser sur la tête des pauvres.
Il en est de même des restaurants qui payent leurs employés à des salaires marocains, mais pratiquent des prix européens sur le menu. Faites un tour dans les restaurants à Marrakech ou à Casablanca, vous serez étonnés. Demandez à la personne qui vous sert combien elle est payée. Vous verrez que c’est un scandale.
L’appât du gain est devenu une habitude, une pratique quasi normale. Ce sont des touristes qui le disent et l’écrivent sur Internet: le Maroc est devenu trop cher; mieux vaut aller en Grèce ou en Croatie, ou même chez notre voisin espagnol!
Nous sommes dans un État libéral. Mais ce libéralisme est devenu sauvage, inhumain, grotesque et même criminel.
Nous sommes en train de perdre notre âme, nos valeurs, notre spiritualité. Quant à l’Islam, on ne le respecte plus: en son nom, on justifie des conduites injustifiables. Le ramadan est fait pour revenir à soi, à la foi, à l’esprit hautement spirituel du Coran. Il est fait pour que l’Homme reprenne les rênes de son humanité, retourne aux sources des valeurs qui ont fait de la religion musulmane une religion de paix, de solidarité et de fraternité.
Ces valeurs-là, malheureusement, nous ne les voyons plus. Les gens parlent, se plaignent, constatent combien le Maroc change, combien il est devenu difficile de joindre les deux bouts. De là à ce que des comportements immoraux se propagent, il n’y a qu’un pas, et il est souvent allègrement franchi.
Je ne fais pas de la morale. Je dis simplement que nous ne suivons pas les directives de notre Souverain, nous n’écoutons pas bien ses paroles, sa philosophie de la modernité et de l’existence. Je vous renvoie à son fameux discours sur l’islam et ses dérives (août 2016); je vous renvoie à son autre discours récent sur «le sérieux», valeur inestimable qui fait la force d’une société.
Nous avons la chance d’avoir un roi qui a une vision d’avenir, qui a une philosophie et une pensée saine et audacieuse. Mais l’égoïsme est partout. Et s’en suit la violence, la délinquance, la haine de classe et même du pays.
Je suis triste et en colère. Car ce que j’écris, je l’ai tellement entendu autour de moi, et ce, depuis longtemps. Je suis écrivain et, comme le définit Victor Hugo, témoin de mon époque.
Bienvenue dans l’espace commentaire
Nous souhaitons un espace de débat, d’échange et de dialogue. Afin d'améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation.
Lire notre charte