Le mariage de la culture et de la politique n’est pas souhaitable. Nous le savons bien, nous qui, au Maroc, avons dû lutter contre une idéologie qui tentait d’imposer un art halal et propre. La bonne santé d’une société se mesure en grande partie aux différentes formes d’art qu’on y pratique, à la valorisation d’une expression artistique dépouillée de toute influence idéologique. Mais peut-on pour autant tout dire et tout faire au nom de l’art et de la culture? C’est une question qui se pose de plus en plus à l’heure où le wokisme gagne du terrain. Racisme, sexisme, injustices sociales… la culture woke ne tolère aucune entorse au principe de justice, de respect et d’équité entre races et sexes, quitte à laver plus blanc que blanc.
Au Maroc, ce débat se fait de plus en plus récurrent depuis qu’une vigie 2.0 s’est organisée sur la Toile pour traquer les écarts de langage et de comportement portant atteinte à l’image du Maroc, sa culture, son intégrité territoriale, ses valeurs sacrées, son histoire et ses habitants. La culture woke américaine est passée par là, éveillant les consciences sur les mécanismes de pensée issus principalement de la colonisation, à travers lesquels on se dénigre et on permet aux autres de nous dénigrer.
Ces dernières années ont ainsi été riches en prises de conscience pour notre pays et pour nous autres Marocains car enfin, des débats salutaires ont émergés, notamment sur les ravages de l’appropriation culturelle. Enfin, nous sommes devenus jaloux de notre patrimoine, en apprenant à le valoriser à sa juste valeur et en considérant sa place dans notre Histoire. C’est cette même démarche de valorisation et de respect qui s’applique aussi aux hommes et aux femmes de ce pays, trop souvent encore associés à des clichés dégradants.
Cette prise de conscience, qui appelle aujourd’hui plus que jamais au respect de l’image des Marocains, aboutit par exemple au lancement d’une pétition pour annuler le concert du rappeur français Booba, prévu le 21 juin à Casablanca. Quelque 5.000 signataires dénoncent ainsi les paroles insultantes à l’égard des Marocaines qui figurent dans des chansons du rappeur car ce qu’on acceptait hier sans réfléchir ni broncher n’est pas une constante. Il n’y a là ni incohérence ni hypocrisie mais le signe de l’amorce d’un changement en cours dans les mentalités.
Libres à ceux qui veulent écouter Booba de le faire. Toutefois, cet élan protecteur de l’intégrité des gens qui peuplent ce pays est à saluer. C’est grâce à la dénonciation de comportements irrespectueux à notre égard que le comédien Brahim Bouhlal a goûté à la justice marocaine et à la prison de Marrakech pour avoir insulté les femmes marocaines et tourné en dérision des enfants. Il n’y a donc aucune raison que Booba et toute cette clique de rappeurs français qui nous insultent à tout va continuent d’être accueillis à bras ouverts dans ce pays.
Si l’expression «dirou niya» est devenue la tendance depuis que Walid Regragui en a fait le leitmotiv de la Coupe du monde, il est grand temps que «dirou nafss» reprenne du galon. Pourquoi continuer d’accepter sans réagir que les femmes de ce pays se fassent traiter impunément de putes ou de sorcières sans réagir? Dernière preuve en date, la série réalisée par Nawal Madani, «Jusqu’ici tout va bien», qui, à peine sortie sur Netflix, fait déjà polémique pour le cliché de marocaine/sorcière qu’on nous y sert le plus normalement du monde.
Une civilisation vieille de 12 siècles, qui a vu son histoire façonnée par des femmes fortes, brillantes, éclairées à l’instar de Fatima Al Fihri, Zaynab Nefzaouia, Sayyida Al Hurra, pour ne citer que celles-ci, qui continue de briller, de se moderniser, de se développer grâce à ses femmes, traînée dans la boue par des pseudo-artistes… non ça ne passe pas.
Se permettre d’insulter impunément les femmes de ce pays, de banaliser la chose à tel point que des insultes deviennent des clichés, n’est plus acceptable. Alors, en matière de diplomatie comme de culture et de tourisme, le discours se doit d’être le même: c’est avec nous ou contre nous.