Le droit, il faut l’arracher de la gueule du loup!

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ChroniqueL’amour? Jamais de la vie. Enfin, c’est ce qu’il dit!

Le 12/11/2022 à 09h09

Depuis quelques jours, le Collectif 490 a lancé une pétition pour dépénaliser les relations sexuelles hors mariage. Le thème de la pétition, voire de la campagne, est clair et net: «L7bs la», c’est-à-dire «non à la prison».

Bien sûr, les cyniques, les aigris et les autres vont rire sous cape: elles ne seraient pas un peu à côté de la plaque, ces jeunes Marocaines romantiques et naïves? N’y a-t-il donc rien de plus urgent à réparer dans le Maroc d’aujourd’hui que le sexe hors mariage? Quid de la crise économique et politique? Du chômage? De la hausse des prix? Du diesel qui flambe? Du cancer, de la drogue, etc.?

Et je ne parle même pas de nos barbus et des traditionalistes en costume-cravate, qui n’en croient pas leurs oreilles: quoi, le sexe, et hors mariage en plus? On veut légaliser le haram? Ouvrir la porte à la prostitution? Effacer notre identité? Faire exploser nos valeurs familiales? Nous aligner aveuglément sur l’Occident impie, et dans ce qu’il a de plus vil et rabaissant?

A toutes ces difficultés, au milieu de celles et ceux qui se moquent, s’indignent, se bouchent les oreilles ou crient, il faut rajouter un ultime obstacle, cette fois bureaucratique: comment valider la signature des téméraires qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales?

Dans ces conditions, convaincre une seule personne, obtenir sa signature, puis la valider, l’ensemble de ces étapes finit par ressembler à un parcours du combattant. Il faut l’arracher de la gueule du loup.

Quand elle ne se moque pas, quand elle ne s’indigne pas et ne crie pas, la majorité qui «comprend», qui est «sensible à la cause», qui veut «aller de l’avant», recule au dernier moment: «Oui, il faut dépénaliser le sexe hors mariage, mais ce n’est pas la priorité, pas la mienne, ni celle du pays.»

Ce n’est a priori la priorité de personne. Mais c’est la priorité de celles et ceux qui se retrouvent au poste ou en prison, qui n’arrivent pas à aimer, qui ne savent plus comment aimer, où aimer, qui rasent les murs, qui sont mal dans leur peau. Elles et ils sont très nombreux.

Sans parler de celles qui craignent de porter plainte quand elles se font agresser sexuellement ou violer, par peur de se retrouver elles-mêmes en prison pour relations soi-disant consenties!

Qu’en dites-vous, mes amis?

Dépénaliser le sexe hors mariage, c’est légaliser l’amour. Accepter l’amour, enfin. C’est une cause juste, personnelle, prioritairement prioritaire. Les Beatles chantaient «All we need is love». A la fin de la fin, et au fond du fond, il ne s’agit que d’amour, rien d’autre. C’est ce qui nous survivra.

Il faut se battre pour s’aimer dans ce pays. C’est un droit qu’il faut arracher. C’est un combat et un parcours du combattant. Un beau parcours du combattant.

Sinon, en dehors de la priorité à droite, sur laquelle tout le monde est à peu près d’accord, il n’y a rien qui puisse convaincre votre prochain quand vous lui tendez une pétition pour la signer. Ah non, il ne sera pas d’accord. Ce qui est une priorité pour vous ne l’est pas pour lui.

L’amour? Jamais de la vie. Enfin, c’est ce qu’il dit!

Par Karim Boukhari
Le 12/11/2022 à 09h09