La première Moudawana date de 1958, sous Mohammed V.
35 ans après, 1993, une réforme par Hassan II, sous la pression de la société civile. Réforme timide, mais qui a désacralisé ce texte.
11 ans après, 2004, une grande réforme promulguée par Mohammed VI.
19 ans après, une réforme est en cours, revendiquée par la société civile et édictée par le Souverain.
D’où une grande polémique sur les réseaux sociaux, par des obscurantistes ou des internautes cherchant à semer des troubles.
Le Coran date de 14 siècles. Ses valeurs sont immuables. Mais le contexte de sa révélation a radicalement changé.
L’islam encourage al ijtihad: continuer à interroger le Coran et son interprétation pour l’adapter à chaque époque.
La charia, loi canonique qui régit la vie religieuse, sociale, individuelle et politique, n’est pas sacrée. Elle varie selon les sunnites et les chiites et selon les pays. En Arabie saoudite, elle est très restrictive.
L’ijtihad permet d’harmoniser l’islam avec l’évolution des sociétés.
L’argument des opposants aux réformes? L’islam, intemporel et universel, s’applique à toutes les époques et à tous les lieux.
Mais attention! Cet argument n’est brandi que pour des droits des femmes qui touchent les intérêts des hommes.
Des exemples?
On ne coupe plus la main du voleur conformément au Coran (5: 38).
«Œil pour œil et dent pour dent», édicté par le Coran, est remplacé par la justice moderne (5: 45).
Rompre le jeune de ramadan quand on voyage (2:185)? Les oulémas ont décrété que le mode de voyage a changé: le jeûne peut être interrompu au-delà d’une heure de voyage.
Le Coran punit de cent coups de fouet l’adultère et la fornication (homme ou femme) (24: 8). Le Code pénal s’en charge (art.490, 491).
Selon le Coran, l’homme doit entretenir la femme. Pourtant, les Marocains les plus pieux accueillent avec plaisir l’argent des femmes.
Le père doit entretenir ses enfants (2: 233) et son épouse (65: 6; 4: 34; 2: 228) même si l’épouse a des revenus. Il lui est interdit de l’obliger à dépenser son argent sans son consentement.
Aujourd’hui, les femmes contribuent grandement au budget des pères, des frères et des maris. Un foyer sur 6 est financé exclusivement par une femme.
Les opposants aux réformes se nourrissent de la sueur des mères, filles, sœurs et épouses, sans trouver cela haram.
L’héritage, le sujet qui fâche!
L’héritage a été précisé par le Coran. Or, le contexte a changé. Les hommes devaient entretenir les femmes. Aujourd’hui, les femmes participent aux dépenses.
Après le décès du Prophète, les oulémas ont imposé ta’cibe, qui crée des drames.
Ta’cib vient de ‘accab (agnat) qui signifie nerf viril. Les ‘accab sont les héritiers mâles, parents par les mâles.
Une femme ne peut hériter seule sans qu’on lui colle au moins un homme!
Si un homme ou une femme meurt et n’a eu que des filles, ses frères et sœurs héritent du quart de son patrimoine. S’il n’a que des sœurs, elles ne peuvent hériter sans les oncles paternels, sinon les fils (et pas les filles) des frères, sinon les cousins (et pas les cousines) paternels... Allez chercher vos cousins paternels, éparpillés au Maroc ou à l’étranger. La procédure peut durer des années. Tout est bloqué pour la veuve ou le veuf et les orphelines.
Ils héritent de tout: contenu de la maison, voiture, moto… Sauf si le veuf ou la veuve a des factures en son nom! Ils bloquent les ventes, exigent un loyer si la maison n’est pas vendue…
Quand le défunt a laissé une maison, les ‘acabe exigent leur part. Très souvent, le veuf ou la veuve n’ont pas d’argent. La maison doit être vendue, sinon les héritiers déposent plainte et le tribunal expulse le veuf ou la veuve avec les orphelines pour que la maison soit vendue.
Ta’cib doit être annulé car il détruit des hommes, des femmes, des orphelines.
Le Coran a permis aux femmes d’hériter, alors qu’elles-mêmes ont été héritées. Les hommes étaient obligés d’entretenir les veuves et leurs enfants.
Aujourd’hui, ces héritiers les dépouillent sauvagement au nom de l’islam, les jettent à la rue et, une fois leur butin en poche, ils disparaissent.
Mais pourquoi ne pas faire de testament?
Le testament, recommandé par le Coran (2: 180), aurait été interdit par le Prophète. Il est interdit de léguer une part de ses biens à un de ses héritiers potentiels.
Le testament peut être établi pour n’importe quelle autre personne ou même animal.
Il n’était pas exceptionnel qu’un homme ayant des chevaux leur lègue un ou des biens pour qu’après sa mort, ces animaux soient bien entretenus. Au décès des animaux, le legs va au ministère des Habous et des affaires islamiques.
Le testament doit être permis. Chaque personne a le droit de faire ce qu’elle veut de ses biens pour lesquels elle trime.
Le comble? Des parents n’ayant pas de garçon demandent à des fquih s’ils peuvent passer des biens au nom de leurs filles pour les protéger des ‘acabes. Ces fquihs leur disent que c’est un péché, car c’est la part des ‘acabes. Mensonge!
Quand nous sommes encore en vie, nos biens se nomment «patrimoine». Nous pouvons en faire ce que nous voulons, les dilapider, en faire aumône… C’est quand une personne meurt que son patrimoine prend le nom d’héritage!
Pour protéger leurs enfants, beaucoup de parents leur font don de leurs biens de leur vivant. Ils se saignent à blanc pour les frais de conservation foncière, d’enregistrement, de notaire et les frais pour obtenir l’usufruit jusqu’à leur décès.
Khadija, médecin: «Avec mon mari, nous avons trimé durement. Mes frères et sœurs ne m’ont jamais donné un dirham. A mon décès, ils viendront partager le fruit de notre labeur avec mes filles. Pourquoi? Ma fille est avocate, l’autre est médecin. Elles ont besoin d’un homme pour gérer leurs biens? Mes frères et sœurs ont des garçons. A leur décès, moi je n’hériterais pas d’eux. Qu’on m’explique cette injustice!»
Oui, qu’on me l’explique à moi aussi!