Mouqataâ Vs. Intelligence artificielle

Karim Boukhari.

ChroniqueL’administration marocaine dans toute sa splendeur. Il faut connaître quelqu’un qui connaît quelqu’un. Ou graisser la patte. Ou faire un scandale. La solution en deux lettres: IA!

Le 29/03/2025 à 10h00

À la mouqataâ, le chef m’a demandé une énième photocopie d’un banal document administratif. C’est absurde, mais c’est comme ça. Inutile de demander des explications qui ne viendront pas. L’administration fonctionne encore à l’ancienne, au temps où même l’outil Internet n’existait pas. Cette époque bénie, que l’on appelle «le bon vieux temps», où il fallait suer sang et eau pour «arracher» la moindre attestation.

On vous demande encore d’aller chercher votre extrait de naissance dans votre ville natale, comme si l’informatisation et la centralisation n’existaient pas. Et, surtout, comme si la confiance n’existait pas. Jamais. Vous êtes un tricheur et un falsificateur jusqu’à preuve du contraire.

Quand vous présentez l’original d’un document, on vous demande la copie. Et quand vous tendez la copie, on vous redemande l’original. Quand vous avez les deux à la fois, et qu’il ne manque rien, on vous dit: «Ah non, non, il faut légaliser la copie!». Pas si vite, donc!

L’administration marocaine dans toute sa splendeur. Il faut connaître quelqu’un qui connaît quelqu’un. Ou graisser la patte. Ou faire un scandale. Et encore.

Revenons à notre chef qui exige une énième photocopie. Par chance, je l’ai. Voilà, chef, elle est là. Il est presque déçu. Pourquoi? Parce que nos fonctionnaires n’attendent que ce moment précis, comble de leur jouissance, où ils vous renvoient au visage: dossier incomplet… il manque ci… vous devez refaire ça…

«Je n’aime pas l’IA, pas encore. J’en suis encore au stade de la peur de l’inconnu. Mais si l’IA peut m’épargner les inévitables tracasseries de la mouqataâ, je suis prêt à l’aimer. Et même à l’épouser!»

Quand le chef a fini de contempler la photocopie, en la comparant à l’original, il opina donc avec un plaisir à peine dissimulé: «Ah non, il faut qu’elle soit légalisée!». Aucun problème, chef, légalisez-là! «Non, non, répondit le chef, indigné, ce n’est pas à moi de la légaliser, allez au département concerné».

Sur ce, le chef empoigna un petit tapis de prière et me tourna le dos. Il marmonne quelque chose… Peut-être l’effet du jeûne, en cette fin de ramadan qui pèse sur les organismes.

Mais où va-t-il? Peut-être à l’une des salles de prière aménagées derrière la mouqataâ. Ou à la mosquée la plus proche, puisque c’est le vendredi. Peut-être se joindra-t-il à nos concitoyens qui choisissent de faire la prière du vendredi en pleine rue. Et peut-être aussi qu’il ne fera aucune prière. Juste un subterfuge pour filer à l’anglaise, bien avant l’heure.

Il n’y a aucun moyen d’en savoir plus. Même si les horaires de travail sont affichés, le chef travaille à sa guise, c’est-à-dire quand et comme ça lui chante, sans rendre de compte à personne.

Que faire? S’il parvient à «m’échapper», il me faudra attendre la fin du week-end avant de revenir à la charge. Ajoutons aussi les jours fériés en début de semaine. Et à savoir si, le jour J, le chef sera là ou pas… Et s’il sera d’humeur…

Je vous livre ma conclusion: la solution, c’est l’IA. Intelligence artificielle. Ce truc bizarre censé remplacer les humains et tout faire ou presque à leur place. Je n’aime pas l’IA, pas encore. J’en suis encore au stade de la peur de l’inconnu. Mais si l’IA peut m’épargner les inévitables tracasseries de la mouqataâ, je suis prêt à l’aimer. Et même à l’épouser!

Par Karim Boukhari
Le 29/03/2025 à 10h00

Bienvenue dans l’espace commentaire

Nous souhaitons un espace de débat, d’échange et de dialogue. Afin d'améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation.

Lire notre charte

VOS RÉACTIONS

0/800