Tout part d’une dépêche de l’Agence Française de Presse (AFP) dans laquelle on annonce que «Paris s’apprête à débloquer 25 millions d’euros supplémentaires en 2020 pour l'enseignement du français à l'étranger et les frais de scolarité seront rabaissés». Des propos tenus par le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, à l’occasion de la conférence des ambassadeurs de France, organisée chaque année à Paris fin août.
En parallèle de cette mesure, le ministre annonce qu’il s’apprête à accroître le nombre de professeurs, en détachant à l’étranger, dans les prochaines années, 1000 enseignants titulaires supplémentaires.
Enfin promet-il dans son discours, «le niveau de participation des familles aux frais de scolarité qui avait dû être augmenté en 2017 reviendra à son niveau de 2016».
De douces promesses qui portent sérieusement à confusion. Pour mieux comprendre ce que le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian ne dit pas clairement, il faut se tourner vers l’AEFE (L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger), et l’historique de son combat.
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Au-delà des promesses, la réalité
Michèle Bloch, membre du Bureau de Français du Monde-ADFE (Association Démocratique des Français à l’Etranger), voit ainsi dans ce discours «pas de grandes annonces, mais la confirmation de la volonté du président de la République de doubler les effectifs des établissements d’enseignement français à l’étranger d’ici 2030 et les moyens d’y parvenir».
En effet, dans son discours sur la francophonie du 20 mars 2018, Emmanuel Macron avait annoncé son intention de «doubler le nombre d'élèves accueillis» dans les quelque 500 lycées français à l'étranger, d'ici à 2030.
Et le président de la République française de souligner ensuite les points positifs de ce discours à commencer par l’affirmation du caractère de service public de l’enseignement français à l’étranger et la place centrale qu’y joue l’AEFE. Sont salués aussi «l’homologation qui même simplifiée restera exigeante», «l’engagement du Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse de détacher, 1000 titulaires supplémentaires dans les prochaines années» et enfin «la nécessaire formation, au niveau Master, des personnels recrutés locaux.»
Mais, parce qu’il y a un mais, «c’est dans les moyens de ces ambitions que le bât blesse», nous apprend Michèle Bloch.
En effet, plusieurs points suscitent l’inquiétude de l’ADFE. Ainsi, si la promesse du détachement de 1000 enseignants, titulaires supplémentaires, est une bonne chose, elle laisse toutefois dubitatif car cette augmentation des effectifs reste sans indication d’échéance et intervient «alors que l’on en a supprimé 500 sur les trois dernières années», explique-t-elle. Autrement dit, pas de changement notable en vue.
Et s’agissant des frais de scolarité, circulez, y’a rien à voir!
«Les 25 millions d’euros supplémentaires à partir du budget 2020 ne permettront pas de retrouver la dotation publique de l’AEFE d’avant la coupe de 33 millions d’euro à l’été 2017», annonce Michèle Bloc.
Et de nous faire déchanter: «certains ont compris que les frais de scolarité allaient diminuer pour retrouver [leur] niveau de 2016, il n’en est rien. Suite à la coupe de 33M€, à l’été 2017, l’AEFE avait augmenté de 6 à 9% la participation financière complémentaire des établissements conventionnés (PFC). Cette mesure provisoire devait être ramenée à son niveau initial en 2020, ce qui est confirmé. Il ne s’agit en aucun cas d’une baisse des frais de scolarité».
Pour rappel, dans le cadre des mesures d'austérité annoncées en 2017, le budget de l'AEFE avait été réduit de plus de 8%, pour le ramener à 354,5 millions d'euros en 2017, ce qui avait suscité plusieurs mouvements de grève.
Mais le gouvernement avait promis à l'AEFE qu'elle retrouverait en 2019 son budget d'avant les coupes sur celui-ci.
Dans un rapport diffusé en 2018, la Commission des finances du Sénat avait estimé cet objectif «pas réaliste» à budget constant, évaluant à 14% depuis 2012 la baisse des crédits publics consacrés à l'AEFE, alors que les charges ont augmenté de 19,5% entre 2012 et 2017, en raison d'une hausse du nombre des élèves (+11,4% depuis 2012) et des dépenses liées au personnel (+15,5%).
Enfin, dernière inquiétude de l’ADFE, le recours à des investisseurs privés faute d’augmenter les moyens nécessaires au doublement des effectifs, sans pour autant entraîner un encadrement par le biais d’une homologation élargie à la gouvernance.
Pour répondre à ces interrogations et calmer ses inquiétudes, l’ADFE attend donc de pied ferme la conférence de presse que devraient tenir la semaine prochaine, conjointement, deux membres de l'équipe gouvernementale d'Edouard Philippe: Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et le ministre de l’Education Nationale Jean-Michel Blanquer.
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Quid des prix ?
Pour l’année scolaire 2019/2020, les parents d’élèves inscrits dans le cadre des établissements de l’AEFE devront débourser des droits de première inscription de 14.000 DH pour les élèves français, 20.000 DH pour les Marocains et 23.000 DH pour les autres nationalités.
Augmentation des frais de scolarité par année scolaire, par niveau de classe et par nationalité :
Maternelle (MS et GS) :
- 34 010 DH pour les élèves français, soit une augmentation de 2,2% par rapport l’année scolaire 2018/2019 et de 7,08% en comparaison avec les frais d’inscription appliqués en 2016/2017
- 43 280 DH pour les Marocains. Chiffre en augmentation de 1,76% par rapport à 2018/2019, et de 5,48% pour l’année 2016/2017.
- 54 800 DH pour les autres nationalités, soit une augmentation de 1,38% par rapport à 2018/2019 et de 4,28% pour l’année 2016/2017.
Elémentaire (CP- CM2) :
- 30600 DH pour les élèves français, soit une augmentation de 2,5% par rapport l’année scolaire 2018/2019 et de 7,93% en comparaison avec les frais d’inscription appliqués en 2016/2017.
- 38800 DH pour les Marocains. Chiffre en augmentation de 1,96% par rapport à 2018/2019, et de 6,14% pour l’année 2016/2017.
- 48780 DH pour les autres nationalités, soit une augmentation de 1,56% par rapport à 2018/2019 et de 4,83% pour l’année 2016/2017.
Collège (1er cycle secondaire) :
- 33890 DH pour les élèves français, soit une augmentation de 2,26% par rapport l’année scolaire 2018/2019 et de 7,11% en comparaison avec les frais d’inscription appliqués en 2016/2017
- 43160 DH pour les Marocains. Chiffre en augmentation de 1,76% par rapport à 2018/2019, et de 5,49% pour l’année 2016/2017.
- 55130 DH pour les autres nationalités, soit une augmentation de 1,37% par rapport à 2018/2019 et de 4,25% pour l’année 2016/2017.
Lycée (2ème cycle secondaire) :
- 37270 DH pour les élèves français, soit une augmentation de 2,05% par rapport l’année scolaire 2018/2019 et de 6,42 % en comparaison avec les frais d’inscription appliqués en 2016/2017.
- 48430 DH pour les Marocains. Chiffre en augmentation de 1,57% par rapport à 2018/2019, et de 4,87% pour l’année 2016/2017.
- 62200 DH pour les autres nationalités, soit une augmentation de 1,22% par rapport à 2018/2019 et de 3,75% pour l’année 2016/2017.
Des augmentations constantes d’année en année, et des chiffres qui démontrent que les élèves français sont les plus impactés par les augmentations, bien que les frais de scolarité de ceux-ci restent toutefois moins élevés que ceux des élèves marocains et d’autres nationalités. Quant à l’année scolaire 2019-2020, elle sera fidèle aux précédentes, donc plus chère…