Ce n’est pas tous les jours que le plus important quotidien des Pays-Bas, le vénérable Volkskrant, fondé en 1919, fait référence au Conseil supérieur des Oulémas. Oui, oui, il s’agit bien de notre Conseil supérieur des Oulémas, celui qui est dûment mentionné par la Constitution en son article 41 et qui est censé avoir le monopole des consultations religieuses, ces fameuses fatwas qui soulèvent parfois d’ardues controverses.
J’ai failli avaler de travers en buvant mon café au lait, hier matin, quand je vis soudain apparaître le nom de notre CSO dans le quotidien socialiste d’Amsterdam daté de ‘Dinsdag 17 November’ à la page 21 – je donne ces précisions pour les teigneux et les maniaques qui veulent toujours tout vérifier, au lieu de me croire sur parole, les vilains.
D’habitude, les références du Volkskrant sont européennes ou américaines et ceux qui s’expriment dans ses colonnes sont des politologues, des sociologues ou des économistes – jamais nos braves Oulémas. Que faisaient donc ceux-ci à la page 21 de mon journal? J’ajustai mes lunettes, je lus attentivement l’article et je vous le résume, chers amis lecteurs qui n’entendez pas la belle langue de Van Gogh et de Cruyff.
Le Volkskrant se réfère à un manuel publié en 2006 par notre Conseil supérieur des Oulémas sous le titre Dalil al-imam wa al-khatib. L’auteur de l’article cite avec approbation les paragraphes où le CSO appelle les imams à «approcher de façon positive les évènements», à «ne jamais mettre l’accent sur la négativité, le nihilisme, l’exagération, la sensation ou le désespoir» et, par conséquent, à mettre en avant, en toutes circonstances, les sentiments de «positivité, gratitude et espoir». Une application pratique de cette mystérieuse «positivité» consiste à «ne pas insulter ceux qui ne pensent pas comme nous, à respecter ce qui est sacré pour eux et à éviter ainsi la discorde», la fameuse fitna.
Et le quotidien néerlandais de conclure avec admiration que le travail des Oulémas marocains gagnerait à être connu en Europe car il permettrait de combattre efficacement le radicalisme et le jihadisme.
Mon croissant avalé et mon café bu, je me pris à rêver, pour l’intérêt de ce pays qui nous est cher, à un quatrième produit d’exportation, après le phosphate, les oranges et les voitures: les Oulémas! Une telle déclaration d’amour du Volkskrant ne doit pas rester sans réponse et il faut donc envoyer dare-dare les plus vigoureux de nos Oulémas vers l’Europe, comme autant de pacifiques missiles, pour y prêcher la bonne parole. S’ils pouvaient s’abstenir de pondre des fatwas du genre de celle que Akhbar al Youm avait révélée en avril 2013 et qui affirmait que l’apostat méritait la peine de mort (dans un pays où celle-ci n’est plus appliquée…), on finirait par les embrasser sur les deux joues, eux qui réussissent parfois à séduire des laïcs socialistes néerlandais…