J’aime Marrakech, sa lumière exceptionnelle, son climat doux, ses montagnes enneigées (sauf cette année), sa palmeraie, même envahie de villas et d’hôtels de luxe, ses espaces verts, ses murailles ocre, ses habitants accueillants avec humour, sa place classée patrimoine de l’humanité, ses carrosses folkloriques, etc.
J’aime Marrakech pour ses artistes, Jacques Majorelle, Claudio Bravo, Farid Belkahia et bien d’autres. Pour le bleu Majorelle et son musée berbère. Pour le souvenir de Pierre Bergé et Yves Saint Laurent, pour son histoire et ses saints, pour ses palais et leur mythologie.
J’aime Marrakech, mais à partir du balcon de mon hôtel que le soleil visite à la mi-journée. Pourtant, j’aime marcher dans cette ville, sauf que cette année, j’ai rencontré des embûches un peu partout. L’état des trottoirs est lamentable. Je marche en scrutant le sol pour ne pas me prendre le pied dans un trou ou un carreau mal posé. Je marche en regardant derrière moi parce que les vélos et les motos, pour ne pas s’arrêter aux feux rouges, utilisent les trottoirs comme piste cyclable.
Les motos sont un danger public. Souvent sans casque, et parfois sans éclairage la nuit, les conducteurs de ces engins sortent de partout, de droite, de gauche, de toutes les directions. Ils roulent vite et transportent souvent un ou deux autres passagers, dont des enfants. C’est le cauchemar des automobilistes, lesquels conduisent en dépit du bon sens. Ils se faufilent, passent d’une voie à l’autre sans prévenir, s’arrêtent brusquement, redémarrent sans mettre de signal.
Il faut le savoir et deviner ce que va faire la voiture qui vient en face ou qui vous double à votre droite. C’est un manque total de civisme, de respect du piéton et du citoyen.
Pour traverser à un feu rouge, il faut le faire en deux temps, l’un est vert, l’autre est rouge. On attend au milieu de la chaussée, espérant qu’une voiture ne dépasse pas la ligne continue. Malgré cela, il n’est pas certain qu’une auto ne sorte d’on ne sait où et vous envoie au ciel.
Ainsi, l’une des plus belles villes du monde est dangereuse. Il vaut mieux le savoir et prendre ses précautions. Le touriste a tout intérêt à prendre un taxi et le garder durant son séjour. Le taxi connaît par cœur la conduite marrakchie. Il sait comment éviter les chocs et les surprises. Lui-même est un habitué de la conduite sans discipline. Et il fait des commentaires acerbes sur ceux qui conduisent mal. C’est un cirque où tout le monde se noie dans le désordre, et cela dans la bonne humeur.
Et puis, il y a l’hygiène, la saleté, des poubelles vidées laissant tomber un peu de leur contenu. Des endroits propres, d’autres sales, des chiens abandonnés, des chats faméliques. Cela dépend du quartier et surtout des concierges qui veillent sur la propreté des trottoirs.
Tout cela fait de cette ville quelque chose qui se dégrade. Les touristes sont nombreux. Ils ne font apparemment pas attention à cet état.
Il y a partout des restaurants, certains tout nouveaux, d’autres anciens, mais moins fréquentés.
Pas mal de Français, résidents à Marrakech, ont ouvert des restaurants où ils pratiquent les prix parisiens tout en payant à la marocaine le personnel.
Il y a bien sûr des restaurants de haute qualité, comme ceux des palaces, le Royal Mansour notamment, où Hélène Darroze vient de succéder à Yannick Alléno en s’occupant de la Brasserie. Là, il s’agit d’un hôtel d’excellence, où le moindre détail compte et tout fonctionne à la perfection.
Mais le Marrakech des simples citoyens est loin d’être dans l’excellence. La pollution sonore d’abord, ensuite celle des tuyaux d’échappement des voitures. Une fumée noire vous est envoyée en plein visage. Heureusement que le ciel reste d’un bleu magnifique. Le regarder, se mettre quelques instants au soleil, et voilà qu’on oublie tous les tracas du monde et on se dit: «On est bien à Marrakech! Il y a là une qualité de vie qu’on ne trouve ni à Prague ni à Venise!»
C’est pour cela que la mairie, les services municipaux et aussi le wali devraient faire un effort pour que la ville ocre reste un bijou qui attire de plus en plus de touristes étrangers et marocains, de plus en plus nombreux. Un effort et un peu plus d’autorité. Mettre de l’ordre dans la circulation n’est pas simple, mais on peut y arriver à condition que tout le monde s’y mette en prenant conscience que la première règle du vivre-ensemble, c’est le respect du citoyen et de la cité. Un respect naturel, dans la joie et la bonne humeur. Ainsi, on peut faire de cette ville un petit rêve, une parenthèse paisible et oublier la folie du monde qui nous envahit de partout.