Pas de pétrole, et alors?

Fouad Laroui.

ChroniqueInutile de rêver à des découvertes mirifiques d’or noir. Il faut retrousser ses manches.

Le 26/03/2025 à 12h00

Une fausse nouvelle et son démenti, ça fait deux informations, disait Pierre Lazareff, le légendaire patron de presse parisien, à l’un de ses journalistes qui s’excusait d’avoir laissé passer, par inadvertance, un ‘canard’.

Oui, bon, c’est peut-être une bonne chose pour un journal, ces palinodies, mais pour le simple lecteur, c’est agaçant, en fait. Grrmmbblll… Je bougonne parce qu’une telle mésaventure m’est récemment arrivée. Il y a quelques jours, je me suis réveillé avec l’annonce qu’on avait découvert un important gisement de pétrole au sud de notre beau pays. Hourra, nous voilà riches! J’eus l’impression que la matinée était particulièrement ensoleillée. Patatras! Quelques heures plus tard, le démenti tombait. Pas plus de pétrole que de beurre en broche. Encore une fausse joie… L’après-midi fut morose.

Et puis, le soir venu, la chouette de Minerve s’étant envolée, je me suis souvenu que j’avais fait autrefois des études d’économie et que j’avais publié des articles sur ce qu’on appelle le Dutch disease dans la littérature spécialisée. Un petit effort de mémoire… Ah oui! L’expression Dutch disease désigne le paradoxe suivant: ce qu’on croit être une bonne nouvelle, comme la découverte d’importantes réserves de pétrole, peut en fait nuire à l’économie d’un pays.

Pourquoi ce nom - ‘maladie néerlandaise’? Il fut imaginé par l’hebdomadaire The Economist. Dans les années 1960, la découverte et l’exploitation de vastes réserves de gaz naturel aux Pays-Bas provoqua une hausse de la valeur du florin, qui était alors la monnaie locale. La position concurrentielle des entreprises néerlandaises s’en trouva compromise: elles durent licencier et le chômage augmenta en conséquence. De plus, l’économie devint beaucoup moins diversifiée: le secteur du gaz évinça d’autres secteurs-et la production industrielle baissa. Effectivement, ce qu’on avait d’abord pris pour une bonne nouvelle n’en était pas une, à long terme.

«La tentation est grande de se servir de la rente pétrolière ou gazière pour acheter la paix sociale en payant les gens à ne rien faire.»

Bien sûr, un pays bien dirigé peut éviter le Dutch disease avec des politiques économiques adaptées. Mais des dirigeants incompétents ne sauraient même pas comment faire. Pire: la tentation est grande de se servir de la rente pétrolière ou gazière pour acheter la paix sociale en payant les gens à ne rien faire -on rend ainsi tout un peuple paresseux- et en subventionnant les importations, fussent-elles de biens de première nécessité, comme le blé. En gros, le pays ‘mange’ alors son gaz ou son pétrole. Et quand il n’y en aura moins -ou plus du tout? Eh bien, ce sera la catastrophe.

Bref, inutile de rêver sans cesse à des découvertes mirifiques d’or noir. Il faut retrousser ses manches. Travaillez, prenez de la peine / C’est le fonds qui manque le moins, disait La Fontaine; ce qui signifie que ce sont le travail et l’effort qui déçoivent le moins, ce sont eux qui rapportent toujours.

Il suffit de voir du côté du Japon et de la Corée du Sud, deux pays sans ressources naturelles, en tout cas sans pétrole ni gaz, et qui comptent aujourd’hui parmi les plus riches du monde grâce au travail et au sérieux de leur population, ainsi qu’à la qualité de leur gouvernance. Quant aux contre-exemples, ils sont légion et ce n’est pas la peine d’aller loin pour en trouver.

Bref, la radio devrait nous réveiller chaque matin avec cette bonne nouvelle: on n’a pas trouvé de pétrole aujourd’hui… Au travail!

Par Fouad Laroui
Le 26/03/2025 à 12h00

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