Quand ils programment leurs vacances, la plupart des opérateurs du tourisme marocain filent à l’étranger. Europe, Amérique, Asie… Pourquoi vont-ils si loin? Pourquoi ne sont-ils pas les premiers à profiter des trésors du tourisme marocain, ces fameux «kounouz bladi»?
Réponse: parce qu’ils sont les premiers à savoir que le tourisme marocain coûte trop cher et souffre de certaines tares rédhibitoires. Ils ne sont pas fous. Quand ils veulent s’éclater, et avoir la paix, ils vont à l’étranger, point barre.
Ces opérateurs sont dans la schizophrénie. Bled schizo. Il y a le discours et il y a la réalité. Entre les deux, un trou béant.
Certains pays à vocation touristique pratiquent la double tarification: un prix pour les locaux et un prix pour les étrangers. Au Maroc, nous préférons la démocratie des prix, qui sont les mêmes pour tout le monde.
Mais la démocratie s’arrête à la tarification et ne s’applique pas au reste.
Chacun peut en faire l’expérience, qui est amère. Pour un standing équivalent, une nuitée coûte plus cher au Maroc qu’en Espagne ou ailleurs en Europe. Personne n’a jamais eu le courage de nous expliquer un tel mystère. Faire du tourisme à Moulay Bousselham, Oualidia ou Taghazout, revient beaucoup plus cher qu’à la Costa del Sol espagnole ou sur les magnifiques côtes grecques, turques ou siciliennes. C’est une totale aberration.
Comment choisir Azemmour (je suis pourtant fan de cette cité antique) quand on peut s’offrir, pour moins cher et dans des conditions plus avantageuses, la Costa Brava ou les Baléares? Il faut beaucoup d’amour et de courage…
Quand un couple marocain veut faire faire du tourisme local, il doit affronter un autre problème: «l’acte». Partout, on leur demandera l’acte de mariage, la preuve qu’ils sont mariés. En attendant les vérifications, ils sont coupables jusqu’à preuve du contraire. L’hôtelier qui leur fait face a un comportement de policier: il vérifie «l’acte» comme on vérifie l’authenticité d’une œuvre d’art, prêt à bondir au moindre soupçon d’irrégularité.
Ce même hôtelier ferme les yeux devant un couple européen. Comment expliquer un tel traitement?
Le Maroc est en train de plancher sur la réforme du Code pénal et de la Moudawana. L’idée est d’aller vers plus de souplesse sur des questions liées aux libertés individuelles. Il faudra inclure le tourisme dans la vague de dépénalisations à venir.
Pour tout vous dire, le tourisme marocain donne la désagréable impression de ne pas être fait pour le Marocain. Le tourisme, c’est les autres. Les opérateurs du secteur sont les premiers à le savoir.