Quand l’équipe de le360 est prise à partie par les meneurs du Hirak à Al Hoceima

DR

Lors de sa couverture sur le terrain de la situation à Al Hoceima, l’équipe de le360 a été victime d’une véritable attaque de la part des leaders du Hirak. Harcèlement, injures, menaces…Tout y est passé.

Le 06/06/2017 à 17h03

Avoir des revendications, sortir dans la rue, mobiliser et manifester au nom de droits non encore acquis ou de doléances économiques et sociales est une chose. Autre chose est en revanche d’imposer un seul et unique point de vue, de ne pas hésiter à traiter de traîtres tous ceux et toutes celles qui ne partagent pas cette vision exclusive ou cherchent, par souci d’équilibre et d'objectivité, d’autres sons de cloches. Cet impératif d’un angle unique de traitement prend des proportions inquiétantes quand il s’accompagne de menaces, de chasse aux questions critiques et de l’ostracisation de tout contradicteur potentiel. C’est la regrettable expérience qu’a vécue l’équipe de le360 tout au long de la semaine écoulée lors de son séjour à Al Hoceima, alors qu'elle couvrait les manifestations ayant lieu dans la ville et s'intéressait à la réalité socioéconomique de la province.

Les harcèlements en tous genres ont commencé dès l’arrivée de l’équipe de le360 dans la ville. Epiée dans ses moindres mouvements, notre équipe a été confrontée tantôt à des remarques désobligeantes, tantôt à des interventions visant à l'empêcher de s'acquitter de sa mission. Motif? Ce que nous publions n’est pas du goût des meneurs des manifestations. Pour eux, soit on est corps et âme avec le soi-disant Hirak, soit on est l’ennemi à abattre. Un reportage sur l’activité commerciale dans la ville et le cours normal de la vie devient ainsi un acte de trahison digne des pires invectives et de représailles. S’intéresser au tourisme ou la pêche, les secteurs phares de la région, résonne comme un appel à la dissidence. Faire parler les citoyens sur ce qui les préoccupe devient synonyme de manipulation.

Cette logique a atteint son point culminant, samedi 3 juin, quand un «représentant» du Hirak s’est invité, à une heure tardive, dans l’hôtel dans lequel logeait notre équipe. Il avait un «message» à nous transmettre: «Ou vous couvrez les événements d’Al Hoceima tels que nous les concevons, ou vous quittez immédiatement la ville. De toute manière, votre site est non grata et nous ne pourrons pas assurer votre protection si jamais on décide de s’attaquer à vous». A elle seule, cette dernière phrase résume la vision de certains meneurs du Hirak quant à la liberté d’expression et d’opinion. Si ce n’est pas une logique de pensée unique, on n’en est pas bien loin. Pour notre équipe, il n’y avait guère d’alternative et la seule liberté possible était celle d’aller dans le sens des frondeurs… ou de se taire et plier bagage. Le caractère pacifique revendiqué en public cède la place, en privé, à la violence verbale et aux sous-entendus de violence physique.

Devant une telle menace, notre équipe a redoublé de vigilance et a naturellement alerté les autorités. C’est là où une autre guerre a commencé, celle de la pression psychologique sur les réseaux sociaux. Elle a été menée contre nous par un certain Al Mortada Aâmracha, un des leaders de la fronde, qui a posté sur son compte Facebook une «alerte» contre le360, n’hésitant pas à le décrire comme un site «pervers». On passera sur les insultes et menaces indirectes qui nous ont été adressées à travers des collègues journalistes.

Ce que les auteurs de ces invectives ignorent c’est que le rôle d’un journaliste est d’informer et non de défendre une thèse. Sa fonction est de poser des questions et d’être fidèle dans la restitution des faits, réponses et réactions qu’elles suscitent. Dans sa couverture, notre équipe était tenue par une obligation d’honnêteté et de non d’inféodation à telle ou telle partie. On peut avoir de la sympathie pour les manifestants, mais cette sympathie ne fait pas autant des journalistes des activistes qui gonflent le nombre des manifestants, tirent systématiquement à boulets rouges sur les forces de l’ordre et galvanisent les contestataires en donnant une tournure héroïque à leur mouvement.

La liberté, la dignité auxquelles appellent les slogans à Al Hoceima commencent par respecter celles des autres, quel que soit le degré d’écart ou de différence. Autrement, nous resterons dans le domaine des paroles creuses qui ne sont invoquées que pour défendre, disons-le, une forme d’intolérance, voire de dictature.

Par Fatima El Karzabi
Le 06/06/2017 à 17h03