La secousse a eu lieu à 23h11 et a duré 30 secondes.
Beaucoup parmi nous dormaient. Le réveil s’est fait dans la panique.
Les gens se souviennent surtout des lits qui bougeaient, d’un bruit terrible, de la vaisselle qui se brisait sur le sol. Certains ont été réveillés par les hurlements affolés des membres de leur famille et des voisins.
Comme il faisait chaud, beaucoup se sont précipités dehors en petite tenue ou nus: «J’ai sauté du lit en tirant mon mari par le bras. Il hurlait, mais je ne faisais pas attention. En fait, il me tendait une robe de chambre car j’étais nue!»
«Nous faisions l’amour. Le lit bougeait. Je pensais que c’était à cause de nos ébats. La musique m’a empêchée d’entendre les bruits. Mon fils tapait sur notre porte en hurlant. Mon mari s’est précipité dehors, avant de constater qu’il était nu!»
Il y a ceux qui ont gardé le lit, ceux qui se sont cachés sous des tables.
Mais la majorité a fui.
Ceux qui habitent en hauteur ont dégringolé plusieurs étages d’escaliers parfois dans l’obscurité. «J’ai des problèmes d’arthrose aux genoux. Je peine à monter un étage. J’ai descendu 5 étages en toute agilité!» L’adrénaline donne des ailes!
Intéressant de voir ce que chacun a emporté!
Certains ont emporté un tapis de lit, un oreiller, un drap, une couverture qu’ils ont étalés sur le sol, loin des immeubles: parcs, ronds-points, terrains vagues ou tout espace dégagé.
«Nous étions assis par terre, sans penser à la saleté. Mcha ach-chiki!»
Des femmes qui portent le foulard sont sorties les cheveux découverts. Mais pas Hanane: «J’ai juste pris mon foulard.»
«Mon sac et la clé de la voiture», «je suis descendu en short, mais j’ai pris au vol mon pantalon car il y avait de l’argent dans ma poche», «j’ai pris le cartable qui contient nos documents officiels».
«Pendant que je hurlais pour quitter la maison, mon mari avait la tête dans le placard à chercher nos passeports!», «mon fils de 16 ans refusait de sortir sans sa console de jeu».
Une femme: «Pendant que ma famille dégringolait les escaliers, je ramassais mes bijoux. Si l’immeuble s’écroule, on pourrait survivre!»
Mais attention aux cachotteries: «Mon mari m’a toujours dit qu’il n’a aucune épargne. Il a sorti de son placard une bourse pleine d’argent. Je lui ai fait un scandale!»
«Je suis diabétique. Je n’ai pensé qu’à mes cigarettes, oubliant mon insuline.» La peur fait perdre le sens pratique!
Des mères ont pris des habits, des couvertures, des biberons, du lait en poudre, des couches…
Certains sont passés à la cuisine pour prendre un sac de nourriture: «Si tous les bâtiments s’écroulent, il n’y aura plus de lieu de commerce!» A chacun son angoisse!
Certains gardent le bon sens: «Mon mariage était prévu la semaine d’après. J’ai pris mes caftans et ma robe de mariée qui m’ont coûté très cher!»
Presque tous ont pris le smartphone et parfois l’ordinateur. Ces engins deviennent vitaux.
Des commerçants ambulants ont surgi de nulle part: chargeurs de téléphone, eau, biscuits, thé dans de grandes bouilloires. Des épiciers ont rouvert. Les voitures qui vendent le café ont bien profité.
Après la secousse, beaucoup sont remontés dans les maisons pour récupérer des objets: pièces d’identité, titres des maisons, argent, ordinateurs, chargeurs de téléphone, nourriture, bijoux, chat et chien…
Le retour ne s’est fait qu’après 2h du matin: les réseaux sociaux ont véhiculé la rumeur d’une forte réplique à 2h.
La majorité a dormi dans la rue, dans des voitures, chez des proches ayant des villas ou à la campagne.
Et après?
Le traumatisme: «Chaque fois que j’entendais un bruit, je paniquais.» Il s’en est suivi des insomnies et des angoisses.
Quelles précautions ont été prises?
«J’ai dormi avec mes habits pendant une semaine», «j’ai préparé des sacoches pour chacun de nous avec des habits, des chaussures et des biscuits», «je dors encore avec mes bijoux sous l’oreiller».
Certains sont plus prudents: «J’ai un sac avec des bouteilles d’eau, des aliments secs et un sifflet. Si je suis ensevelie, je sifflerai pour me faire repérer et j’aurai de quoi me nourrir.»
Sofya: «Depuis la secousse, j’ai une sacoche de survie à la maison et une autre dans la voiture.»
Les consignes de sécurité? Il existe des sites internet officiels de nombreux pays. Mais pas au Maroc.
Chacun conseille à sa façon: se baisser, s’abriter et s’agripper. Se mettre à quatre pattes sous un meuble lourd. La technique du triangle de la vie: ne pas se mettre sous les meubles, mais à côté car il y a un espace que l’on nomme tampon, en forme de triangle, créé par le meuble et le toit écroulé, qui protégerait. Trop compliqué!
S’abriter près d’un mur et des structures porteuses ou sous des meubles solides, en s’éloignant des fenêtres pour éviter les bris de verre. Dans la rue, s’éloigner des bâtiments et des poteaux électriques…
En fait, nous ne sommes ni initiés ni formés à l’attitude à avoir en cas de séisme.
Les sites recommandent une sacoche à portée de main: médicaments, lunettes de vue, chargeur de téléphone, couteau, ouvre-bouteille, lampes de poche, piles, bougies, briquet, trousse de toilette, vêtements chauds, couverture, nourriture non périssable, eau, double des clés de la maison et de la voiture, photocopies des papiers essentiels, argent et jeux.
Mais nous ne pouvons avoir ces sacoches toute une vie. C’est juste après un séisme, en cas de répliques. Sinon ce serait angoissant.
Dans de nombreux pays, les établissements scolaires et les entreprises font des exercices de préparation au séisme.
Peut-être serait-il judicieux de généraliser ces exercices au Maroc.