Le quotidien Akhbar Al Yaoum qualifie l’étude d’Ahmed Raissouni de "scientifique". Sans doute, une pincée d’ironie de la part de nos confrères. Ils se doutent bien que la théologie n’est pas une science exacte. Encore moins quand l’étude est intitulée "les régulations de la charia pour la liberté d’expression". Un oxymore pour tout tolérant qui se respecte… L’ancien leader du Mouvement unicité et réforme (MUR), aujourd’hui adjoint de Youssef al-Qardaoui (il a été élu, en décembre 2013 vice-président de l'Union mondiale des ouléma musulmans), s’est fendu d’une analyse traitant de la liberté d’expression dans l’islam. Mais le quotidien arabophone n’a retenu que des passages chocs, extraits du 3e paragraphe titré "la liberté d’expression, non la liberté de perversion". Raissouni y explique que "tromper les gens ou les impliquer dans ce qui pourrait leur nuire ne relève en rien de la liberté d’expression. C’est plutôt de la dépravation et de la perversion. Il y a des faibles, des mineurs, des ignorants, des simples d’esprit et des malades, parmi les gens, qui ne peuvent pas toujours faire la différence entre le bien et le mal". Et bouquet final du fqih : "Cela inclut la publicité des produits haram, périmés ou nuisibles ainsi que l’utilisation de femmes nues dans des réclames ou dans d’autres activités considérées comme des œuvres artistiques".
Des propos "dangeureux"
On l’aura deviné, Ahmed Raïssouni ne supportera jamais la vue d’une hôtesse d’accueil, dans un futur (on l’espère) grand prix de Formule1 au Maroc, à moins qu’elle ne soit vêtue d’un burqini. Et si jamais 2M s’aventurait un jour à diffuser le dernier spot publicitaire, mettant en vedette le déhanché de Shakira, il n’hésitera pas à décrocher son téléphone pour demander à son disciple, Mustapha El Khalfi (tiens le ministre de la Communication a un code de la presse dans le pipe), de couper le signal…
Nos confrères d’Akhbar Al Yaoum ont fait réagir le publicitaire et acteur associatif Nourredine Ayouch par rapport à cette pseudo fatwa de Raïssouni. Ce dernier a rappelé que le Mouvement n’est autre que la base arrière idéologique du Parti justice et développement (aujourd’hui au pouvoir) et a donc estimé ces propos "dangereux". "Il y a une constitution et un commandeur des croyants. Et ceux qui gouvernent doivent se conformer à ses orientations", a lancé le fondateur de la célèbre agence Shem’s.
Un nouveau faux-débat semble donc avoir été enclenché. Alors qu’on ferait mieux de regarder en face les clichés triviaux dont sont généralement victimes les femmes dans les spots publicitaires marocains de détergents bon marché. Ou encore se presser de mettre en place cet "Observatoire national de l’image de la femme dans les médias" promis depuis des lustres. En même temps, les "lustres", ça parle aux femmes selon le chef du gouvernement...