Santé: l’obésité menace 46% des Marocains d’ici 2035

Le ventre d'une personne obèse.

Un peu plus de la moitié de la population mondiale (51%) serait en surpoids ou obèse d’ici 2035, alerte le World Obesity Atlas. Au Maroc, 46% de la population est à risque de souffrir de ce problème de santé aux coûts lourds.

Le 07/03/2023 à 13h56

Un gros problème aux lourdes conséquences. Le taux d’obésité continue à augmenter à un rythme «inquiétant». Selon le World Obesity Atlas 2023, publié par la World Obesity Federation, si les tendances actuelles se maintiennent, 51% de la population mondiale, soit plus de 4 milliards de personnes, sera en situation de surpoids ou d’obésité d’ici 2035.

Au Maroc, 46% de la population risque d’être en surpoids ou obèse d’ici 2035, selon les experts de la World Obesity Federation, qui alertent sur un risque «très élevé». La prévalence de l’obésité dans le pays devrait ainsi enregistrer une progression annuelle de 2,7% entre 2020 et 2035.

Les enfants sont encore plus à risque, la prévalence de l’obésité augmentant plus rapidement chez eux que chez les adultes. Alors que le taux d’obésité infantile dans le monde devrait plus que doubler d’ici 2035, par rapport aux niveaux de 2020, il devrait continuer à progresser d’un taux annuel de 5,2% au Maroc. Résultat: plus de 30% des enfants marocains seront en surpoids ou obèses d’ici 2035, estime la World Obesity Federation.

Un problème de santé qui pèse lourdement sur l’économie

Bien que la prévention et le traitement de l’obésité nécessitent un investissement financier, le coût de l’échec de la prévention et du traitement de ce phénomène sera «beaucoup plus élevé», alertent les auteurs du World Obesity Atlas.

En chiffres, l’obésité coûtera plus de 4.000 milliards de dollars, soit près de 3% du PIB mondial, aux pays du monde en 2035. Un impact comparable à celui de la pandémie du Covid-19, souligne le rapport. Au Maroc, si la tendance actuelle se poursuit, le coût de la prise en charge des maladies liées au surpoids et à l’obésité devrait passer de 470 millions de dollars en 2020 à 933 millions de dollars en 2035, selon l’étude, qui précise que ce coût devrait déjà atteindre 595 millions de dollars dans les deux prochaines années.

En plus des dépenses sanitaires, d’autres coûts économiques liés au surpoids et à l’obésité ont été comptabilisés par les auteurs du rapport. Il s’agit notamment de ceux liés à la mortalité prématurée et à la baisse de la productivité en raison de l’absentéisme (la perte de productivité qui se produit lorsque les employés ne fonctionnent pas pleinement sur le lieu de travail en raison d’une maladie, d’une blessure ou d’une autre condition). Le coût global du surpoids et de l’obésité pour l’économie marocaine devrait ainsi atteindre 7.340 millions de dollars en 2035.

20% des Marocains déjà touchés

Les taux de surpoids et d’obésité au Maroc sont en hausse depuis quelques années, indique Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, contacté par Le360. «Cela est dû aux profonds changements qu’ont connus le mode de vie et le régime alimentaire des Marocains», explique l’expert, pointant du doigt un mode d’alimentation malsain riche en sucre, en sel et en lipides et le manque d’activité physique de «plus en plus alarmant».

Selon Dr Hamdi, 53% des adultes au Maroc sont déjà en surpoids, alors que 20% sont en situation d’obésité. Il s’agit ainsi d’«une épidémie qui menace la santé publique» et qui présente d’énormes risques: maladies cardiovasculaires, maladies du foie, problèmes respiratoires, troubles musculo-articulaires et immunologiques, différents types de cancers, problèmes mentaux… la liste est longue.

Le médecin note qu’en général, les problèmes de surpoids et d’obésité sont responsables de 70% des coûts de traitement du diabète, de 23% de ceux liés à la prise en charge des maladies cardiovasculaires et de 9% de ceux liés au traitement des cancers.

Une action «globale» et des plans nationaux «adaptés» nécessaires

Alors que l’année 2022 a été cruciale pour la politique mondiale de lutte contre l’obésité, avec l’entrée en vigueur de la nouvelle Classification internationale des maladies (CIM11) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui comprend une définition améliorée de l’obésité et un nouvel ensemble de recommandations sur la prévention et la prise en charge de l’obésité tout au long de la vie, ainsi que l’adoption d’un plan d’accélération de la mise en œuvre des recommandations de l’OMS dans plusieurs pays, les experts de la World Obesity Federation appellent à contextualiser ces recommandations et à implémenter des plans adaptés au contexte local de chaque pays.

En plus du renforcement des systèmes de santé, les experts appellent les Etats à étayer leurs politiques sanitaires par des engagements qui traitent des déterminants sociaux, commerciaux et environnementaux de la santé. Les problèmes liés à l’obésité, «s’ils ne sont pas traités, peuvent saper tous les efforts et investissements dans la promotion de la santé», alertent les auteurs du rapport.

Des recommandations reprises également par Dr Hamdi, qui indique qu’«une action globale et intersectorielle est nécessaire pour faire face à ce fléau». Cette action devrait porter, entre autres, sur la sensibilisation aux dangers de l’obésité, l’incitation à adopter un comportement alimentaire et un mode de vie sain à travers l’éducation et les médias, ainsi que la promotion des sports, estime-t-il.

Par ailleurs, des politiques pourraient permettre de limiter la consommation de certains produits qui augmentent le risque d’obésité en agissant sur leurs prix. «Tout comme pour le soda ou les produits alimentaires qui contiennent un certain niveau de sucre, une TIC (taxe intérieure de consommation, NDLR) pourrait être instaurée pour d’autres produits à haute teneur en sel ou en matières grasses, comme le fast-food par exemple», explique-t-il.

Par Lina Ibriz
Le 07/03/2023 à 13h56