La mort d’un artiste et en plus d’un ami, c’est un peu notre mort à nous. Farid Belkahia nous a quittés et nous nous trouvons devant un vide sidéral. Il est un des pionniers de l’art contemporain au Maroc. J’ai écrit sur son travail en essayant d’exprimer la complexité de sa démarche et de sa vision du monde. Un homme de la terre, un artiste visionnaire, un artisan de la matière. La dernière fois que je l’ai vu chez lui, il avait tenu à me montrer ses trois grandes salles où des centaines de pièces sont classées. Il était fier de son parcours. Je lui tenais le bras, sa voix faible tenait à commenter ce que je voyais. Il avait l’air de celui qui a accompli sa mission, d’avoir fait ce qu’il devait faire avec rigueur et exigence, il était émouvant comme s’il me présentait sa vie, ses moments de grande angoisse ou de grande joie, sa vie et son œuvre, ses colères éteintes et sa passion. Toute sa vie, il l’a dédiée à faire quelque chose entre la peinture et la sculpture, totalement originale, en puisant dans la terre de ses ancêtres les matières avec lesquelles il exprimait un monde à part. Il a travaillé avec ses mains, avec son corps des matières ingrates pour en sortir une œuvre d’art avec un statut visant l’universel.
Peintre, sculpteur, artisan, il aura été l’artiste marocain qui a élevé la création au niveau de l’essentiel. Un artiste trace sa voie avec l’authenticité, avec la persévérance d’un travail quotidien frisant une certaine perfection. Farid était un homme de conviction, il ne négociait jamais, sachant qu’un artiste n’est pas un diplomate ni un marchand s’auto proclamant artiste. Il avait en horreur ceux qui parasitaient le métier, les imposteurs, les faussaires. C’était un pur dans le sens où l’art véritable ne permet pas de compromis.
Farid, de ce fait, avait du caractère, un tempérament fort, une présence physique et morale imposante. Il nous manque déjà.
Je pense à Rajae, son épouse qui a illuminé sa vie et à Fanou, sa fille, face à la grande absence. Toutes mes condoléances.