La Coupe du Monde de la FIFA, Qatar 2022, est indiscutablement un moment regorgeant d’énergie positive dont la communauté internationale avait tant besoin.
L’histoire s’en rappellera ainsi. Ce Mondial vient juste après la tragique séquence de la pandémie, et aussi dans le contexte tendu de la déplorable guerre russo-ukrainienne dont les menaces sur la paix mondiale persistent.
Les peuples du monde étaient en attente de cette fête (même si elle ne dure qu’un mois) autour de la symbolique du football mêlant la beauté du geste sportif et le partage de saines valeurs. Joie supplémentaire, les Lions de l’Atlas ont généré un appel d’air lumineux qui a magnifié ce Mondial. Les belles images du football ont supplanté pour un moment celles des atrocités de la guerre.
Quand «l’impossible devient possible»Par leur qualification aux demi-finales, les Lions de l’Atlas ont conquis les cœurs, partout dans le monde. Ils ont fait bouger les lignes de la «cartographie» du football mondial tout en conférant à ce tournoi une valeur ajoutée faite de passion et d’allégresse. Leur parcours impressionnant nous interpelle pour évoquer, brièvement, la philosophie du sport et du football en particulier.
Le sport célèbre et consacre notre «état fondamental» épuré, en nous réinscrivant dans notre condition naturelle ou anthropologique initiale d’être humain. Il constitue un des rares champs encore ouverts à la saine rivalité, presque à armes égales, entre les peuples. Comme l’annonce le slogan souvent entendu dans ce Mondial: «l’impossible devient possible».
Inventé en Occident, le football est aujourd’hui le sport le plus fascinant et qui déplace massivement les foules. Mais il reste dominé par les équipes d’Europe et d’Amérique du Sud. Cette domination prive les 54 pays de l’Afrique d’être représentés correctement à cet événement planétaire avec la participation seulement de 5 équipes africaines. Quand on sait que l’Afrique est un continent qui nourrit de sa sève les championnats européens, cette sous-représentativité du continent sonne comme une injustice.
L’organisation quadriennale d’une coupe du monde de football, ouverte à tous les continents, reste, tout de même, une belle idée mais qui connaît une profonde mutation. Elle commence à questionner et relativiser l’hégémonie occidentale dans ce sport.
Contrairement à ce que pensent certains commentateurs, les inégalités et différences en termes de PIB, PNB (et autres chiffres du FMI et de la Banque mondiale) n’ont pas une conséquence fatale et obligatoirement décisive dans le champ du sport. Le football dément ce lien, sinon les quatre pays les plus riches du monde seraient toujours présents au dernier carré du Mondial.
La différenciation en termes de pays «sous-développés», «pays émergents» et «pays développés» ne peut expliquer le fonctionnement des collectivités humaines, leurs motivations, leurs leviers et ni même la «conscience de soi» des individus.
Mobiliser ses capacités mentalesLa différenciation sur cette base appliquée aux individus ne signifie rien. Il n’y a pas d’individus développés et des individus sous-développés, qu’ils soient des pays du Nord ou du Sud. Ce type de lexique ne peut exister.
Le sport joue ainsi un important rôle de régulation face à ces écarts chiffrés et prétendument mesurés entre les peuples. La compétition sportive cherche à célébrer l’individu (seul ou dans le cadre d’un groupe) essayant de se surpasser physiquement et avec adresse. Tout cela dans le cadre de jeux avec leurs règles. Sans écarter bien sûr –au-delà des «muscles»– la mobilisation de capacités mentales pour élaborer des stratégies pouvant mener à la victoire.
Aujourd’hui, l’équipe du Maroc que, dit-on, personne n’attendait, a ensoleillé le Mondial de Qatar, en accédant aux demi-finales après avoir écarté des équipes au palmarès impressionnant.
Bien évidemment, le Maroc a mobilisé d’importants moyens pour préparer une équipe de football compétitive. Mais ils sont sans commune mesure avec ceux de certains pays nantis, qui n’ont fait que de la figuration au Qatar. Plus qu’une question de ressources matérielles, c'est surtout une question de mental, d’état d’esprit et aussi de talents.
La présence du Maroc à ce niveau du tournoi n’est pas une surprise.
De grands noms ont ouvert la voie: Larbi Benbarek, Abderahman Mahjoub, Hassan Akesbi, Timoumi, Faras, Dolmy… L’histoire se souvient aussi de la participation marocaine à la Coupe du monde au Mexique (1970 et 1986). Et les Ziyech, Hakimi, Bono et autres Ounahi qui brillent aujourd’hui au Qatar ont d’ores et déjà semé les graines des futurs champions.
Un sens aigu de l'intelligence du jeu, un coach inspiréLes Lions de l’Atlas sont aujourd’hui applaudis par la quasi-totalité des pays du Sud et aussi par un grand nombre de pays du Nord. Excepté évidemment ce voisin qui a choisi de se morfondre et s’engloutir dans la haine et la rancœur. A défaut d’analyser les raisons de ses propres échecs, dans tous les domaines et pas seulement dans le sport, sa médiocre propagande a même osé «expliquer» les performances des Lions de l’Atlas par l’emploi de «grigris», et autre «sorcellerie». Quel niveau! Lamentable!
A quelques heure de la demi-finale contre la France, l’équipe du Maroc est largement soutenue par des fans sur tous les continents. Non par adversité contre les Bleus –qui constituent aussi une belle équipe marquée par la diversité–,mais pour rendre hommage à des Lions qui ont déjoué tous les pronostics. Des joueurs de talent, avec un sens aigu de l’intelligence collective du jeu, menés par un coach inspiré et exceptionnel.
Le Maroc a bousculé, avec élégance, la hiérarchie mondiale du football tout en suscitant respect et admiration. Il a aussi invité au surpassement ceux qui estiment que l’échec est une fatalité. Il a aussi séduit et même suscité de fortes émotions en conférant une profonde dimension d’humanité et d’affection, à travers ces images de champions humbles et souriants, rendant hommage à leurs parents et à leurs proches.