Durant l’été 1962, l’Algérie juste indépendante connut un coup d’Etat qui installa le «Système» actuel au pouvoir. Ce fut alors que le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne), soutenu par les survivants des maquis de l’intérieur, fut évincé par l’ALN (Armée de libération nationale), commandée depuis 1960 par le colonel Houari Boumédiène. Intacte car installée en Tunisie et au Maroc, l’ALN ou armée des frontières n’avait plus combattu les forces françaises depuis ses sanglants échecs d’avril 1958 et de novembre 1959 sur le barrage tunisien. Le président du GPRA, Benyoucef Benkhedda, disait à ce sujet: «certains officiers qui ont vécu à l’extérieur n’ont pas connu la guerre révolutionnaire comme leurs frères du maquis (…)».
Le coup d’Etat se fit en sept étapes:1-Ahmed Ben Bella et Houari Boumediene débutèrent leur coup de force au mois de mai 1962 quand le GPRA fut sommé de convoquer le CNRA (Conseil national de la révolution algérienne) en congrès. Leur but était de doubler le GPRA par la constitution d’un bureau politique qu’ils contrôleraient.
2-Le 28 mai, dès le début de la réunion, la direction collégiale explosa car, au lieu de débattre des «accords d’Evian», ce fut du pouvoir que l’on parla. Autour de Ben Bella, un groupe de pression réussit à faire adopter le modèle socialiste et le parti unique. A l’issue du vote destiné à élire les membres du bureau politique devant gérer le début de l’indépendance, Krim Belkacem, Abdelhafid Boussouf et Lakhdar Bentobal, tous trois ministres du GPRA, furent mis en minorité. Benyoucef Benkheda quitta alors la réunion cependant que Ben Bella se rendait au Caire et, de là, au Maroc, à Oujda, où il rejoignit le colonel Boumédiène.
3-Les combattants des maquis tentèrent alors une médiation. Les 24 et 25 juin, les wilaya II, III, IV, la Zone autonome d’Alger et les représentants de la fédération de France du FLN se réunirent à Bordj Zemmoura, en Kabylie. Ils y annoncèrent la création d’un «comité interwilaya».
4-Le 30 juin, le GPRA destitua l’EMG, l’état-major général de l’ALN. En réaction, le 2 juillet, Ben Bella et Boumédiène demandèrent aux chefs des wilaya de se mettre sous les ordres de l’EMG et ils ordonnèrent à l’ALN de se tenir prête à faire mouvement vers l’Algérie.
5-Le 11 juillet, Benyoucef Benkheda, président du GPRA, fut empêché de tenir une réunion à Blida, cependant que Ben Bella s’installait à Tlemcen. Il y fut rejoint le 16 par le colonel Boumédiène. Désormais, deux coalitions s’opposèrent, le «groupe d’Alger» et le «groupe de Tlemcen». Ce dernier constitua un bureau politique composé d’Ahmed Ben Bella, de Mohamed Boudiaf, d’Aït Ahmed, de Mohammed Saïd, de Rabah Bitat et de Mohamed Khider, soit les anciens prisonniers de France, plus Hadj Ben Alla, qui annonça qu’il prenait en mains les destinées de l’Algérie. Le coup de force était en marche.
6-Le 23 juillet, Mohammed Boudiaf et Aït Ahmed se séparèrent du «groupe de Tlemcen» qu’ils accusaient de vouloir instaurer une dictature en Algérie et ils s’installèrent en pays kabyle, à Tizi Ouzou, d’où ils lancèrent un appel aux Algériens pour qu’ils s’opposent au coup de force. Le 27 juillet, ils y furent rejoints par Krim Belkacem. Désormais, il y eut donc un troisième groupe, le «groupe de Tizi Ouzou».
7-Le 25 juillet, le commandant Larbi Berredejem de la wilaya II prit Constantine et il rejoignit le «groupe de Tlemcen». Des combats eurent lieu dans la ville puis, le 29 juillet, la wilaya IV prit le contrôle d’Alger, enlevant la ville à la ZAA (Zone autonome d’Alger) dont les chefs furent arrêtés. Le 29 août, de violents affrontements se produisirent à Alger puis, le 4 septembre, Ben Bella prit position à Oran d’où Boumédiène donna l’ordre à l’ALN de marcher sur Alger, ce qui provoqua de violents combats, notamment à Boghari, Sidi Aïssa et Chlef. Le 9 septembre, Ben Bella et le colonel Boumédiène entrèrent à Alger à la tête de l’ALN.
Les élections à l’assemblée constituante furent fixées au 20 septembre 1962, sur listes uniques, Ben Bella ayant déclaré que «la démocratie est un luxe que l’Algérie ne peut encore s’offrir».
Le 25 septembre, Ferhat Abbas fut élu président de l’Assemblée nationale et il proclama la naissance de la République algérienne démocratique et Populaire, puis Ben Bella fut désigné pour former le premier gouvernement de l’Algérie indépendante. Les combattants de l’intérieur avaient donc été évincés par ceux de l’extérieur et les politiques par les militaires. Le congrès «fondateur» de la Soummam était bien oublié.
Au mois de juillet 1964, Aït Ahmed et Mohamed Boudiaf créèrent le CNDR (Conseil national de défense de la révolution) et ils montèrent des maquis, essentiellement en Kabylie. Le colonel Chaabani chef de la wilaya 6 (Sahara) tenta de marcher sur Alger, mais il fut arrêté et fusillé le 8 septembre. Quant à Aït Ahmed, il fut arrêté le 17 octobre 1964 et condamné à mort. Gracié, il se réfugia en Suisse jusqu’en 2001. La répression fut féroce.
Alors qu’il avait été installé au pouvoir par le colonel Boumédiène qui avait besoin d’une caution civile, Ben Bella fut renversé par ce dernier le 19 juin 1965. Interné à Tamanrasset, il y resta emprisonné durant seize années.