En Afrique, la parenthèse coloniale fut refermée sans affrontements majeurs, sans ces combats de grande intensité qui ravagèrent l’Indochine.
Les grands conflits africains débutèrent après les indépendances de la décennie 1960, et ils firent plusieurs millions de morts et des millions de déplacés. Alors que, jusque-là le cœur de la confrontation entre les deux blocs avait été l’Asie (Chine, Guerre de Corée, Guerre d’Indochine puis du Vietnam etc.,), l’Afrique devint à son tour une zone disputée, tant au Congo que dans la Corne ou dans le cône sud. Puis, la «guerre froide» terminée, les placages idéologiques et politiques volèrent en éclats et les résurgences firent que le continent s’embrasa.
A partir de 1990, après la fin des blocs, les guerres africaines eurent quatre grandes formes:
1-La plupart furent limitées à un pays et elles opposèrent certaines ethnies les unes à d’autres. Même si, par capillarité ethnique, des conséquences se firent parfois sentir chez les voisins, et même si ces derniers ont soutenu directement ou indirectement certains belligérants, la principale caractéristique de ce type de conflits est qu’ils se déroulèrent en «vase clos», même si leurs conséquences entraînèrent une déstabilisation régionale .
Ce fut le cas de la guerre du Biafra (juillet 1967-janvier 1970), des guerres du Congo-RDC entre 1960 et 1964, de celles l’Ouganda (1979-1986) du conflit du Sud-Soudan (1955 aux années 2000), de ceux du Libéria (1989-2003), de Sierra Leone (1991-2002), du Congo-Brazzaville dans les années 1990, du Burundi (de 1965 à 2005), du Rwanda (1990-1994), du Kivu (depuis 1996), de l’Ituri (depuis 1996) et de celui de la Somalie, depuis les années 1970.
En Afrique du Nord, le cas de l’Algérie confrontée à l’islamisme peut être, avec naturellement toutes ses spécificités particulières, rattaché à ce type. En revanche, les guerres du Katanga entre 1960 et 1962 constituent un cas en partie différent dans la mesure où la sécession katangaise fut réduite par un contingent international envoyé par l’ONU.
2-D’autres impliquèrent plusieurs pays: guerres du Tchad (Tchad, Soudan, Libye, France), Sahara occidental (Polisario, Maroc, Algérie et un temps Mauritanie), Angola après 1975 (Afrique du Sud, Angola, Cuba et Pacte de Varsovie), guerres du Zaïre/RDC ( Ouganda, Rwanda, Burundi, Zimbabwe, Namibie, Angola, Tchad).
3-Certains opposèrent directement deux pays: Maroc-Algérie (1963), Ethiopie-Somalie (années 1970), Tanzanie-Ouganda (1978-1979), Mali-Burkina Faso (1985), Ethiopie-Erythrée (1998-2000).
4-A partir des années 1990, l’Afrique a connu de nouvelles formes de conflictualité, souvent sous forme de résurgence d’anciennes oppositions ethniques mises entre parenthèse durant la période coloniale, puis artificiellement gommées durant la période de la guerre froide. Depuis 1990, l'ethnisme est ainsi de retour. Au Rwanda, au Burundi, au Kenya, en Éthiopie, à Djibouti, au Tchad, en Ouganda, en RDC, en Zambie, en Afrique du Sud, en Angola, au Congo, au Cameroun, au Nigeria, au Liberia, en Sierra Leone, en Guinée-Bissau, en Côte d’Ivoire, au Nigeria etc., partout, l'Afrique des peuples est revenue en force, se réveillant d’un sommeil artificiel qui avait interrompu le déroulé de sa longue histoire.
Avec quatre nouveautés cependant:-les espaces étaient désormais bornés par un maillage frontalier emprisonnant les peuples et leur interdisant tout développement territorial, toute expansion.-Les frontières artificielles étouffaient les peuples.-La suicidaire démographie bloquait toute possibilité de développement,-L’ethno-mathématique électorale imposée par la transposition du système démocratique occidental fondé sur le principe du «one man one vote» donnait automatiquement la victoire aux peuples les plus nombreux.
Résultat, durant la décennie 2000-2010, 70% des décisions de l’ONU et 45% des séances du Conseil de Sécurité furent consacrées aux conflits africains.
Depuis 2011, une conflictualité nouvelle a éclaté dans toute la bande saharo-sahélienne (BSS). La région est en effet frappée par l’extension de la guerre qui a éclaté au Mali à la fin de l’année 2011 et au début de 2012. Un conflit qui, par capillarité a essaimé au Niger et au Burkina Faso et qui présente une grande nouveauté quant à son mode opératoire, dans la mesure où il prétend s’ancrer sur des revendications religieuses. Mais en réalité, ici, le jihadisme est d’abord la surinfection d’une plaie ethnique accentuée par des problèmes sociaux, économiques et politiques.