Le 10 décembre est la journée internationale de commémoration de la Déclaration universelle des droits de l'Homme (DUDH) adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1948. C'est un catalogue synthétique de droits, mais celle-ci ne possède en elle-même aucune force obligatoire pour les Etats.
Il a fallu attendre 1966 pour que soit adopté par cette même institution le texte de deux conventions internationales qui sont venues achever l'effort amorcé par la déclaration: le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et politiques et le Pacte relatif aux droits civils et politiques, tous deux d'ailleurs signés par le Maroc le 19 janvier 1977 puis ratifiés le 3 mai 1979.
Le premier pacte ne comporte, à la charge des Etats qui y sont parties, qu'une simple obligation de moyens -agir de manière à assurer progressivement le plein exercice des droits qui y sont reconnus. Mais il n'en est pas de même du second: les Etats parties au pacte relatif aux droits civils et politiques «s'engagent à respecter et à garantir à tous les individus, se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence, les droits reconnus dans le présent pacte, sans distinction aucune...»
Les droits qui sont ainsi inscrits dans ce pacte s'imposent donc immédiatement aux Etats parties -ce qui a d'autant plus d'intérêt qu'ils sont définis avec beaucoup de précision.
Des organismes ad hoc et des mécanismes spécialisés ont été ensuite mis en place, tel le Conseil des droits de l'homme, dont le siège est à Genève. Si les conventions relatives aux droits de l'homme sont contraignantes pour les parties, il faut aussi relever qu'elles ambitionnent seulement de constituer un standard minimum des libertés: c'est au droit interne de chaque Etat qu’il appartient d’aller plus loin et d’améliorer leur protection.
Telle a été la politique du Maroc, suivant des séquences variables dont la dernière est assurément la Constitution de juillet 2011. Cette loi suprême a réaffirmé et consacré dans son préambule –lequel a valeur normative comme les 180 articles du texte– «son attachement aux droits de l’Homme tels qu’ils sont universellement reconnus», ainsi que la primauté des «conventions internationales dûment ratifiées par lui» sur «le droit interne du pays».
Voici tout juste un mois, le Maroc a présenté à Genève un rapport au Conseil des droits de l’homme dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU). En substance, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a mis en relief les acquis engrangés en matière de protection et de promotion des droits de l’homme. Des choix «constants et irréversibles» pour le Royaume. A grands traits, il faut notamment citer ce qui suit: une nouvelle loi régissant le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) dans le sens de la consolidation de ses compétences et de ses missions de prévention (torture, enfants victimes de violations de leurs droits, personnes en situation de handicap); le renforcement de l'indépendance de la justice-transfert des attributions de l'Autorité gouvernementale chargée de la justice au procureur général du Roi près la Cour de cassation, institution du statut et de l'organisation du parquet; la loi relative à la parité et à la lutte contre toutes les formes de discrimination; le texte législatif sur la sanction de la corruption.
Ce rappel devait être fait, il permet d’illustrer les réformes entreprises et celles en cours. Il y a là deux aspects liés: le premier a trait à la capitalisation par strates successives, qui sont réarticulent actuellement les politiques publiques ainsi que le visage institutionnel du Royaume; le second, lui, regarde au fond une vision axée sur un modèle de société à continuer à édifier et à consolider.
Un tel élan se retrouve-t-il dans la région, au Maghreb, dans le monde arabe ou dans le continent? Les situations sont modulables, ici et là, dans ces aires géoculturelles et toutes ne sont éligibles à un seul modèle autoritaire sinon totalitaire. Mais force est de faire ce constat: c'est au Maroc que se distinguent une dynamique, une mobilisation et un volontarisme. Dans le pays voisin, le déficit des droits de l'homme est patent -une page noire...
Cette année encore, la machine répressive en Algérie a fonctionné et frappé dans tous les secteurs. Pour ce qui est de la liberté d'expression, les autorités ont arrêté et placé en détention des centaines de militants politiques et de la société civile ainsi que des journalistes. Pour quels motifs? Parce qu'ils avaient exprimé leurs opinions ou fait leur travail. Parmi les personnes ciblées figuraient également des membres -réels ou supposés- de Rachad et du Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK), deux organisations non reconnues qualifiées de «terroristes».
La liberté d'association et de réunion est soumise à ce même régime d'exception. Les manifestations du Hirak, interrompues à cause de la pandémie de Covid-19, reprennent de manière pacifique, délocalisées dans les régions et les villes; elles sont ponctuées par des arrestations, des poursuites et des détentions sans... procès. Il est invoqué à ce sujet l'«incitation à un attroupement non armé» et de «complot contre l'Etat». Deux partis politiques, le Parti socialiste des travailleurs (PST) et l'Union pour le changement et le progrès (UCP) ont été suspendus par le tribunal administratif d'Alger à la demande du ministère de l'Intérieur.
La torture et les mauvais traitements des militants et des manifestants sont une pratique courante. Tout aussi répressive est la politique menée à l'endroit de la liberté de religion et de conscience. Le décret n° 03-06 de 2006 est ainsi appliqué pour restreindre le libre exercice des cultes. Le droit à la santé, consacré par la Déclaration universelle de 1948, est gravement enfreint: seuls 14% des personnes ont eu droit à un vaccin en 2020-2022 alors que la troisième vague Covid-19 fait officiellement près de 7.000 victimes, un chiffre largement en-deçà des réalités...
S'agissant des droits des femmes, le Code pénal et le Code de la famille restent légalement et pénalement discriminatoires en matière d'héritage, de mariage, de divorce, de garde des enfants et de tutelle.
Mais il y a plus. Ainsi les droits des personnes réfugiées ou migrantes accusent une situation alarmante, dénoncée par les associations internationales. Les personnes demandeuses d'une aide d'asile sont placées en détention pour une durée indéterminée, alors que des recherches sont menées pour organiser leur expulsion avant l'examen complet de leur demande. Elles sont ainsi regroupées et expulsées collectivement à la frontière avec le Niger, en dehors de toute procédure légale. En 2022, l'association Alarme Phone Sahara a recensé plus de 16.500 personnes expulsées, dont des enfants.
Il faut encore évoquer la situation des «réfugiés» de Tindouf. Depuis des années, le Maroc comme les institutions de l'ONU n'ont cessé de réclamer l'immatriculation des réfugiés dans les camps de cette ville du sud-ouest de l'Algérie. La dernière résolution 2654 du Conseil de sécurité en date du 27 octobre 2022 a été encore plus ferme à cet égard. L'Algérie n'assume pas l'entière responsabilité de ces camps sur son territoire; elle ne protège pas les droits humains de toutes les personnes qui s'y trouvent. Celles-ci sont pratiquement sans «statut», sans papiers, en violation des dispositions des instruments internationaux dont la Convention internationale sur les réfugiés de Genève de 1951 et son Protocole de 1967. L’Algérie et le mouvement séparatiste continuent à se soustraire systématiquement à leurs obligations vis-à-vis de la communauté internationale. Le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) de l'ONU ne peut pas accomplir sa mission, faute d'enregistrement de ces populations réfugiées.
Dans son discours officiel, la propagande d'Alger se défausse à propos de tous ces points; elle s'échine à mettre en avant des argumentaires qui ne trompent personne ni au-dedans, ni à l'international. En somme, ce crédo fallacieux: «circulez, il n'y a rien à voir...»
Le peuple algérien lui, a les yeux biens dessillés: il subit au quotidien l'état dégradé des droits de l'Homme...