Je n’ai pas de lumières particulières sur le conflit qui oppose la Russie et l’Ukraine –ou plutôt la Russie et l’OTAN. Je n’en sais pas plus que vous. Je lis, je regarde les infos à la télé, j’essaie de me renseigner et de réfléchir. Comme vous, je suppose.
Il y a deux camps en présence. Jusqu’à plus ample informé, je n’en choisis aucun.
Il y a cependant une chose qui commence à m’irriter: la superficialité avec laquelle certains gugusses de la «presse libre» du «monde libre» abordent ce grave problème.
Commençons plutôt par les autres. Les journalistes de RT (Russia Today) défendent un seul point de vue: celui des autorités russes, dont ils dépendent. Là, aucune ambiguïté. On sait à qui on a affaire, on est prévenus, on peut prendre ce qu’ils affirment cum grano salis, comme disait mon prof de latin au lycée.
De même, on peut supposer que la presse officielle ukrainienne s’en tient à une seule version, monolithique, selon laquelle il n’y a qu’un responsable dans cette histoire, un certain Vladimir P., un pelé, un galeux, un fauteur de guerre, un f…teur de b… (peut-être même un x… de y…), un dictateur en chapka, un… N’en jetez plus!
Tout cela est de bonne guerre, si l’on ose dire.
Mais ce que je ne comprends pas, c’est l’attitude de certains commentateurs, citoyens de pays libres et démocratiques, qui ne sont ni russes ni ukrainiens mais qui présentent toute l’affaire d’un seul bloc, sans s’encombrer de la moindre subtilité ni du moindre souci d’équilibre.
En néerlandais, en français (avec l’accent de Bruxelles ou de Paris), en espagnol, en italien, on entend le même conte pour enfants: un ogre horrible, prénommé Vlad comme Dracula, s’en prend de façon arbitraire à des innocents qui ne lui ont rien fait. Pourquoi? On n’en sait rien.
Je ne plaisante pas. Hier mardi 22 février, sur une grande chaîne publique française, la présentatrice affirma par deux fois: «on ne sait pas ce qu’il veut».
Pardon? Même mon chat sait ce que Poutine veut: que l’Ukraine n’intègre pas l’OTAN. Il l’a dit, il l’a écrit, il l’a télégraphié, il l’a tweeté, il l’a chanté à la Star Academy, il l’a dansé sur TikTok, il se l’est tatoué sur le front, il l’a gravé en lettres majuscules sur le tombeau de Lénine.
Mais il est évidemment plus simple de couiner «chais pas ç’qu’i veut» parce que c’est trop compliqué ou trop fatigant de se lancer dans une analyse des buts de l’OTAN, de l’intégration controversée des pays baltes, de l’Histoire de la Russie, de la fameuse Rus’ de Kiev, de ce qu'il s’est passé en 1954 en Crimée, de la saga des mineurs du Donbass (c’est là que se déroule le roman d’Avdeenko intitulé Le labeur), des intérêts pas forcément convergents des Américains et des Européens, etc.
La même oie blanche conclut par un hâtif: «condamnation unanime de l’initiative prise par Poutine». Or ni la Chine ni l’Inde ni l’Indonésie ni le Nigéria n’ont condamné: à peu près la moitié de l’humanité. L’unanimité, c’est quoi? La Maison Blanche et une moitié d’Europe?
Encore une fois, je ne prends pas parti dans cette affaire. Pour pouvoir le faire, j’attends d’être mieux informé.
Mais par qui?