Quand la vie imite l’art (hélas)

Fouad Laroui.

Fouad Laroui.. KF Corporate

ChroniqueOn ne devrait plus écrire que des romans dans lesquels le travail et le talent sont récompensés et les dirigeants motivés par l’intérêt général.

Le 04/11/2020 à 11h00

Cette semaine, les Américains ont la bonté de choisir pour nous le Maître du monde. Espérons que ce sera Biden puisque l'alternative, c’est Trump, ô misère! Ô tristesse! Depuis quatre ans, de tweet en discours calamiteux, de mensonge en imposture, la réalité yankee dépasse l’affliction.

Curieusement, un écrivain avait déjà imaginé comment un type complètement nul pouvait arriver à la tête de l’hyperpuissance. Dans Being there, publié en 1970, Jerzy Kosinski décrit de façon convaincante l’ascension d’un simplet nommé Chance qui, parti de rien, finit vice-Président des États-Unis.

Le nœud de l’affaire est que Chance, qui est jardinier, ne parle jamais d’autre chose que de plantes, d’arbres et de fleurs mais que ceux qui l’écoutent voient dans ses propos des métaphores. Ils croient qu’il traite de façon imagée de l’inflation, de la croissance ou du commerce. Après tout, “les arbres ne croissent pas jusqu’au ciel“ est justement une des métaphores favorites des économistes, avec “la main (verte) invisible“, ou “manger son blé en herbe“.

Un simple jardinier président! Why not? Lénine ne disait-il pas que chaque ménagère russe était un chef d’Etat en puissance? Et les Argentins n’ont-ils pas fait d’une danseuse de cabaret, Isabel Perón (olé !), leur Présidente entre 1974 et 1976?

Oscar Wilde, qui aimait les paradoxes, assurait que “la vie imite l’art bien plus que l’art n’imite la vie“. Quelques décennies après la fable de Kosinski, un homme d’affaires véreux nommé Trump, qui avait sévi dans l’immobilier, le catch et la télé-réalité, devenait président des États-Unis –donc notre boss à tous, vu que l’Empire nous tient dans ses rets, en attendant l’avènement des Chinois. Une nullité intellectuelle, un bouffeur de hot-dogs qui n’a jamais lu un livre, entrait à la Maison Blanche. La vie imitait la fable de Kosinski.

Pour éviter une telle avanie, on ne devrait plus écrire que des romans dans lesquels le travail et le talent sont récompensés et les dirigeants motivés par l'intérêt général, dans lesquels un magouilleur illettré, un populiste roué ou un illuminé-qui-veut-rétablir-le-califat n’auraient aucune chance de prétendre au pouvoir.

Un ami à qui je soumettais cette idée s’est mis à rire et m’a rétorqué:

- Des romans pareils, nos libraires les rangeront dans le rayon “science-fiction“…

Par Fouad Laroui
Le 04/11/2020 à 11h00