La double explosion qui a détruit, le 4 août dernier, la moitié de Beyrouth, tué 150 personnes et blessé des milliers d’autres, a sidéré tout le monde. Cette ville, plusieurs fois martyre, n’a cessé de résister contre la brutalité de l’histoire et de croire en la vie. Malheureusement, le pays est dirigé par des politiciens affairistes dénoncés depuis le 17 octobre par des centaines de milliers de manifestants de toutes les confessions (il en existe 18). Le mot corruption est le plus utilisé pour caractériser cette classe politique qui a mené le pays vers une catastrophe économique, financière et politique.
A présent, le Liban est ruiné. Cela fait des mois que les banques sont en déroute, que la livre libanaise s’est effondrée, que la confiance dans les institutions a disparu.
Les deux explosions sont probablement accidentelles. Mais quand on stocke 2.700 tonnes d’un produit aussi dangereux que le nitrate d’ammonium, et qu’on néglige des règles minimales de sécurité, la catastrophe devient inévitable.
Ce qu’il s’est passé à Beyrouth nous concerne aussi. C’est un signal envoyé au monde, une occasion de revoir l’état de ce qui est stocké et de renforcer les mesures de sécurité. Une matière aussi dangereuse doit être tout le temps surveillée et bien gardée.
N’est-ce pas le moment de faire la liste des produits stockés et réviser les moyens de sécurité? Il vaut mieux prévoir et prendre en considération la catastrophe de Beyrouth pour éviter que quelque chose d’analogue se produise dans notre pays. Il y a deux ans, lorsque le pont de Gênes s’est effondré, faisant 43 morts, des pays se sont mis à vérifier l’état de solidité de leurs ponts. Ainsi les catastrophes des autres servent la prévoyance en général.
Par ailleurs, la leçon politique est évidente. Tout cela est arrivé parce que le Liban est dirigé depuis la fin de la guerre civile par des gens considérés par les manifestants libanais comme «incompétents, et surtout pourris par la corruption».
Les manifestations populaires qui se sont déroulées depuis le 17 octobre ont désigné clairement les responsables de la débâcle actuelle du pays. Ajoutons à cela, l’existence sur le sol libanais d’une armée illégitime, puissante et nombreuse, installée et financée par l’Iran. L’armée du Hezbollah est plus importante que celle, légitime, du pays. Cette anomalie ressemble à une colonisation par procuration. Des soldats de cette armée ont participé à la guerre en Syrie, défendant les intérêts d’une puissance étrangère. Et l’Etat libanais n’a rien pu faire; de toute façon, à aucun moment, ni le président du pays ou son Premier ministre n’ont émis la moindre réticence quant à l’existence de cette armée bis, au service du chiisme iranien.
La corruption, thème récurrent de la protestation populaire, est le mal absolu. La corruption est ce qui pourrit de l’intérieur une société, un pays, un Etat.
J’insiste sur ce mal absolu, parce qu’il existe au Maroc à des degrés divers, mais la corruption est à l’œuvre dans notre Maroc bien aimé.
La lutte contre ce mal absolu est verbale. Certes, une institution de lutte contre la corruption existe. Mais que fait concrètement le gouvernement pour traduire cette lutte en préoccupation majeure? Rien.
Nous savons à présent que toutes les catastrophes ont leur origine dans la pratique à grande échelle de la corruption, matérielle et morale.
Que ce qu’il vient de se passer à Beyrouth serve de leçon évidente à notre pays, quelles que soient la couleur et l’idéologie de son gouvernement.