Il faut arrêter de traiter Donald Trump de fou. Il dérange, certes, il étonne, il scandalise mais il a toute sa tête. Un fou est quelqu’un qui a perdu la raison, qui ne sait pas ce qu’il fait ni pourquoi il le fait. Il est incohérent, dangereux pour les autres et pour lui-même. Et souvent le fou est sympathique, on ne lui en veut pas. Ce n’est pas le cas pour ce président qui sort de la norme.
Donald Trump est un chef d’Etat, le plus puissant dans le monde. Il a été élu selon un système incompréhensible par nous, ce qui fait que Hilary Clinton a perdu alors qu’elle avait obtenu trois millions de voix de plus que son adversaire républicain.
Donald Trump représente l’Amérique dans ce qu’elle a de plus grotesque, de plus xénophobe, de plus simpliste, de plus superficiel. C’est assurément la majorité des habitants des Etats-Unis. Les autres, ceux qui votent démocrate, ne pèsent pas lourd face au discours populiste et démagogique de Trump. Il est l’Amérique profonde, celle qui croit à la force, qui défend la libre circulation des armes (la fameuse légitime défense), qui pense que tout Américain se doit d’être armé pour défendre sa maison, sa famille, son territoire.
Il est le champion patriote. Il a fait sa campagne électorale avec le slogan «America first». L’Amérique d’abord. On ne peut pas lui reprocher de privilégier son pays et de le mettre au-dessus de tous les autres. Il est l’Américain qui n’a pas d’amis, il n’a que des obligés, ceux qu’il domine politiquement ou militairement. Un seul Etat échappe à son mépris. Un seul Etat jouit de sa bénédiction. Il cajole et protège au-delà de tout entendement l’Etat d’Israël, parce que cet Etat agit de tout temps comme Trump: il ne respecte aucune résolution des Nations Unies, doit quitter l’UNESCO en même temps que l’Amérique, assassine les Palestiniens sans armes et reste impuni, bref c’est l’ordre de la force et le mépris de la loi et du droit. C’est pour cela que Trump lui a fait le cadeau de reconnaître Jérusalem capitale d’Israël en dépit de toutes les conventions internationales. C’est la politique du fait accompli et le règne de la loi du plus fort.
Il est l’Amérique qui n’a que des intérêts. Il faut être naïf pour croire que ce pays vous tendra la main si un jour vous êtes en difficulté.
Ce chef d’Etat n’est pas seul. Plusieurs millions d’Américains sont derrière lui, le soutiennent et approuvent ce qu’il fait. Ils le croient quand il leur ment. Ils le défendent quand la presse le critique ou l’attaque violemment. Il est l’écho le plus sûr de la pensée profonde de cette Amérique qui n’a aucune curiosité pour les autres, pour la diversité des cultures et des civilisations. Même si cette Amérique est primitive et archaïque, elle tend à dominer le monde et n’a que faire de la parole donnée, des accords signés par les précédents présidents et persévère dans son être avec entêtement et même avec fierté.
Ainsi, rompre l’accord sur le nucléaire avec l’Iran, accord qu’Obama avait mis tant de diplomatie et de temps à obtenir, est une façon spectaculaire d’inaugurer une nouvelle façon de faire de la politique. C’est en finir avec le respect et la confiance et passer outre l’avis des autres partenaires, européens notamment.
Bientôt Trump se réunira avec Kim Jong-Un, le président de la Corée du Nord. Ils signeront probablement des accords. Les Coréens auront raison de douter de la fiabilité de la signature de M. Trump. Il en sera de même pour toute autre relation avec les autres pays.
C’est la même logique qui a poussé Trump à menacer les pays qui ne soutiendront pas la candidature de l’Amérique pour l’organisation du Mondial de foot de 2026. Un chef d’Etat n’a pas à intervenir ainsi et surtout à proférer des menaces claires à ceux qui choisiront le Maroc. Il a dépassé de loin ses prérogatives et son rôle. Trump est l’homme qui ne joue pas avec les autres, il joue tout seul et impose aux autres ce que bon lui semble.
Cependant, même s’il est le «big boss», des personnes raisonnables et intelligentes veillent sur les dérives. Il ne peut pas toujours faire ce qu’il veut. Il est obligé de passer par une multitude de barrages avant de prendre une décision grave. Le fait de rompre l’accord avec l’Iran a dû être analysé par son équipe qui lui a donné le feu vert. Cette Amérique est sous influence israélienne. Netanyahu veut empêcher l’Iran d’accéder à l’arme nucléaire et oublie que son pays en possède une depuis plus de cinquante ans. Deux poids, deux mesures. Telle est la nouvelle politique américano-israélienne.
Et nous Marocains, nous regardons ce triste spectacle de loin. Le fait d’avoir rompu les relations avec Téhéran pour des raisons légitimes et non négociables, puisqu’il s’agit de l’intégrité territoriale, pourrait être perçu par l’administration Trump comme un signe. Encore faut-il que le regard de Trump se pose sur cette partie du monde et se souvienne d’un fait historique essentiel: le Maroc a été le premier pays à reconnaître en 1777 l’indépendance des Etats-Unis, un an avant la Hollande et six ans avant la Grande-Bretagne.