Le sommet de la Ligue arabe qui s’est tenu les 1er et 2 novembre 2022 a été marqué par un comportement «surréaliste» du régime algérien. Il a été le seul à voir le succès d’un sommet que personne n’a perçu. Une approche et une évaluation complètement loufoques. Les observateurs cherchent toujours ce qui pourrait justifier l’usage du mot «succès» pour cette rencontre.
Au-delà d’une fierté ou d’une satisfaction légitime, les pays hôtes de sommets (G7, G20, Conseil de l’Europe, ASEAN, Non-Alignés, et même de la plupart des sommets arabes) maintiennent une attitude de mesure et de pondération. Ils n’entretiennent pas un vacarme pré-sommet et post-sommet pour convaincre au forceps de la réussite de la rencontre.
La comparaison se fait au désavantage d’Alger quand on note la discrétion et la retenue de l’Egypte, qui organise la 27ème COP du 6 au 18 novembre 2022 à Charm el-Cheikh (près de 44.000 participants). Et aussi l’Indonésie qui se prépare à accueillir à Bali, du 15 au 16 novembre 2022, le sommet du G20 (avec la participation parallèle de 21.000 délégués). Rappelons aussi l’organisation par notre pays de la COP22 à Marrakech en 2016 (plus de 20.000 participants), dans l’efficacité et la retenue.
Un vacarme assourdissantLes pays sérieux et responsables ne parasitent jamais ces rencontres de haut niveau avec des calculs étroits de politique intérieure.
Le pouvoir algérien a mélangé volontairement fond et forme, entre les différents momentums du sommet (préparatifs, déroulement, synthèse, évaluation), en un package surprenant pour commercialiser l’idée de succès. Or, les choses ne sont pas mécaniques. Les sommets relèvent du champ de la discussion multilatérale complexe, où les avis et arguments peuvent se croiser, diverger ou s’opposer.
Comment un sommet peut-il régler en 48 heures des problèmes et des crises qui perdurent depuis des décades? L’évaluation de ce type de rencontres ne peut se faire non plus sans un temps de recul. Mais les généraux algériens ont fait mieux. Ils se sont placés dans l’immédiateté et l’instantanéité pour décréter un «triomphe» qui, d’après eux, revient au «génie de leur diplomatie» (sic).
Dès la fin du conclave, la propagande médiatique a produit un vacarme assourdissant: «Le Sommet arabe d'Alger, une réussite à tous points de vue»; «Le Sommet arabe d'Alger, un succès total»; «Le sommet arabe à Alger, un succès en termes de rassemblement des frères arabes»; «31e Sommet arabe: l'Algérie a réussi à atteindre les objectifs tracés»... Ce sont là quelques unes d’une presse algérienne qui marche au pas.
Certains ont osé écrire que «le Sommet arabe d’Alger n’a fait en réalité que confirmer le rôle pivot de l’Algérie sur l’échiquier régional, africain, arabe, euro-méditerranéen et international». Ils ont oublié le rôle extraterrestre!
Le matraquage et la désinformation ont pris une autre dimension avec le dernier numéro de la revue de l’armée, El Djeich (novembre 2022), qui évoque dans son édito le «pari gagné par l’Algérie», comme si on était dans une logique de jeu de hasard. Des formules indigestes aggravées par cette antienne: «Le succès de ce sommet est dû au génie de la diplomatie algérienne».
Le sommet d’Alger a donc perdu son âme, s’il en avait une. Il a été piraté, détourné ou dévié de sa destination. Il est devenu une affaire de politique intérieure algérienne pour légitimer une junte rejetée et, aussi, pour imposer des points de vue antinomiques avec les intérêts fondamentaux du monde arabe et l’action collective souhaitée.
Un sommet détourné, truffé de manquements gravesLe Djibouti ayant fait savoir son incapacité à abriter la 32ème édition du sommet en raison d’une grave crise économique et sécuritaire, comme cela aurait dû être selon la logique de la rotation alphabétique, c’est à l’Arabie saoudite que reviendra la responsabilité de faire oublier l’une des éditions les plus ternes du sommet réunissant les Etats membres de la Ligue arabe.
Il faut également rappeler que la rencontre d’Alger a été marquée par de graves manquements diplomatiques et protocolaires. Le360 a évoqué, il y a quelques jours, les pratiques indignes et autres barbouzeries du pays hôte qui ont visé la délégation marocaine, dans un article intitulé «Sommet arabe: le récit de ce qu’a enduré Nasser Bourita à Alger».
Au-delà du cachet politique du conflit imposé par la junte, un autre facteur peut expliquer ces dérapages. Il est en lien avec l’essence et la nature même du régime algérien, qui est une gérontocratie menée par des septuagénaires, des octogénaires et même des nonagénaires (il faut toujours garder en tête que la personne appelée à remplacer Tebboune en cas d’incapacité est le président du sénat, Salah Goudjil, 92 ans). Ces chibanis portent une incommensurable haine aux jeunes. La jeunesse algérienne, qui les abhorre, en a payé un prix fort. Les généraux algériens refusent catégoriquement de faire bouger les strates sociales et de renouveler les élites gouvernantes. Les généraux sont dans un «Eux ou Nous». Terrible!
A ce titre, les observateurs estiment que les généraux séniles ont agi conformément à leur «logique» et leur hantise. Ils ne pouvaient pas traiter autrement la délégation marocaine menée par un chef de la diplomatie quinquagénaire, donc plus jeune que les caciques algériens.
Muni des hautes instructions royales, Nasser Bourita a défendu fermement les intérêts de son pays, au cœur même d’Alger, tout en désamorçant, dans le calme, les provocations et les pièges les plus grossiers. L’image de cette délégation marocaine a fortement gêné les généraux. Surtout aux yeux du peuple algérien qui n’en peut plus des dinosaures qui prétendent le diriger.
Enfin, ce que nous retiendrons surtout de la «déclaration finale» est qu’elle a exprimé sa reconnaissance et rendu hommage aux actions sérieuses menées depuis longtemps par des pays dont le Maroc. On notera l’hommage rendu au «rôle du comité d'Al-Qods et du Fonds Al-Qods pour défendre la ville d'Al-Qods et soutenir la résistance de sa population» ainsi que le «le soutien au Royaume du Maroc qui accueillera le 9e Forum mondial de l'Alliance des Civilisations des Nations Unies, les 22 et 23 novembre dans la ville de Fès».
Ces actions majeures et volontaires, issues de fortes convictions du Royaume, sont en lien avec les principes de tolérance, de cohabitation et de dialogue des cultures et des civilisations qui sont les fondements de notre pays.