«Slm».
«Slt».
«CC».
«CV zin».
Ces centaines de salutations virtuelles, sur ma messagerie privée, dans la novlangue du Maroc de notre époque, ce parler appauvri, constitué d'un vocabulaire tournant autour de 200 à 300 mots maximum, me hantent encore, un an après une expérience à laquelle je me suis livrée, sur mon compte Facebook, sous mon propre nom.
Sur ce compte, actif depuis 2008, qui était constitué d’un petit (et influent) réseau de près de 300 contacts, des amis perdus de vue, des artistes, des journalistes, des Marocains et des Français issus de ce que l'on nomme la bonne société, j’ai ajouté, en l’espace d’une semaine, près de 5000 profils, que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam.
Des hommes, surtout, des Marocains sans doute attirés par mon avenante petite bouille.
Le but de cet exercice, complètement fou, je vous l’accorde sans peine?
Livrer à près de 5000 personnes, dans une tentative sans doute désespérée, naïve, candide, des clefs, des références d’accès à des savoirs, de la culture, disponibles dans cette immense, vaste, infinie bibliothèque qu’est le net.
Si l’immense majorité de mes nouveaux contacts, sur ce compte que j’ai dû clore par la suite, étaient certes étonnés de ma démarche, mais pacifiques, j’ai aussi dû faire face à des dizaines de messages agressifs, à du harcèlement (sexuel, bien entendu), à des menaces (d’agression physique, de viol, ou de mort, des mots violents et remplis de sous-entendus), à l’envoi (en masse) de vidéos pornographiques…
Je le savais, j’ai pu le vérifier: notre société est profondément malade.
Malade de ses frustrations sexuelles.
Notre code pénal, inspiré du code civil napoléonien, héritage de la présence française sur notre sol au siècle dernier, est un scandale.
En 2019, les Marocains et les Marocaines n’ont pas le droit de disposer de leur corps.
C’est dingue.
Notre société est malade, aussi, d’une ignorance à donner le vertige, due à la faillite du système d’éducation mis en place par l’Etat dès la fin des années 70.
La faute à Allal, la faute à l’Istiqlal.
Allal El Fassi, ce leader qui a largement contribué à mener le Maroc à l’indépendance, dit-on dans une version de l’histoire récente (et tronquée) de notre pays, s’était bien gardé, quant à lui –et ses commensaux de ce parti politique alors aux commandes du gouvernement- d’éduquer sa progéniture dans des écoles publiques, entretemps désertées par des notions pourtant fondamentales: perspicacité, créativité et appel au simple bon sens…
Que faire, alors?
Eh bien, pour parer à l'urgence, mettre chacun devant ses responsabilités.
L’Etat a échoué, c'est un fait, il rattrapera son coup quand il le pourra, et il le fera, c'est inéluctable. Mais en attendant, nous n’avons pas, pour autant, d’excuse.
Si vous êtes Marocain, et que vous lisez ces lignes, c’est que vous êtes, forcément, connectés à Internet, via l’un des trois opérateurs nationaux.
Vous avez accès, de fait, au world wide web. Tout (ou presque) y est.
Les plus grands savoirs, la plus grande culture, les plus grands musées, les plus belles musiques, les plus beaux films, les meilleurs livres… Les cours, en ligne, gratuits, des meilleures universités de la planète.
Vous avez un seul, premier, effort à faire: activer le bouton «curiosité» de votre cerveau.
Tout Ce Que vous avez toujours voulu savoir sur la connaissance sans jamais oser le demander… Vous sera alors immédiatement livré, par cet immense djinn virtuel que vous possédez déjà.
Vous semblez l'ignorer, donc je vous l’apprends, en toute insolence: vous êtes Aladin (Alaâ Eddine).
La lampe magique est déjà entre vos mains.
Frottez-la.