Le lourd complexe du colonisé

F. Pomel

ChroniqueOù il est question de la condition ancillaire… Et des conséquences du traitement différencié d’une femme de ménage envers deux employeuses.

Le 25/02/2021 à 11h00

Tout d’abord, plantons le décor. Un long couloir, dans une résidence à Marrakech, distribuant de petits, et coquets, appartements. A un bout de celui-ci, K., à l’autre bout, Bibi, c’est-à-dire moi -quoi, vous n’aviez pas compris que Bibi signifie se désigner, avec ce qu’il faut d’autodérision?

K. et moi, nous nous connaissons de longue date. A ma venue, elle m’a naturellement présenté sa femme de ménage, W., que j’ai embauchée, à raison de deux fois par semaine. Elle ne vient qu’une seule fois, en revanche, chez K., qui la rémunère au même tarif, mais, arithmétiquement, je la paie logiquement plus, cela va sans dire.

Le constat, au bout de deux mois de ses services: K. ne tarit pas d’éloges sur W., alors que moi, je déchante séance de ménage après séance de ménage.

Faisons l’impasse sur la casse, conséquente: des verres, des tasses, un sous-verre, une bouteille d’huile d’olive hors de prix… A l’extrême limite, cela peut être imputé à une maladresse due à la précipitation. Mais bon. Vers la fin, à chaque fois qu’elle arrivait, sonnait à la porte, je lui ouvrais, en m'exclamant, en mon for intérieur: "bonjour! Alors, que vas-tu casser aujourd’hui?". 

Mais c'était sans compter, aussi, sur la tronche de deux mètres de long que W. s'était mise à arborer à la moindre remarque ou consigne, pas du tout dite d’un ton revêche, je le précise (charmant, quelqu’un qui vient chez vous, et qui vous tire la gueule, alors que vous le rémunérez).

Les petits vols, des larcins, auxquels il a fallu mettre le holà: une aiguille (pas Made In China). Placer le nécessaire à couture bien en évidence sur la table basse, et attendre. Ô miracle, l’aiguille en question a fait sa réapparition, dès la séance suivante.

Des objets que je retrouvais dissimulés à des endroits improbables, la technique est aussi vieille que la condition ancillaire: je cache, tu oublies, je dérobe, le temps que tu oublies complètement que cet objet t’a, un jour, appartenu.

Des "bismillah" susurrés dès le début de l’esquisse de la moindre tâche: "bismillah", je déclenche l’aspirateur, "bismillah", j’attaque la baie vitrée, "bismillah", je débute le lavage du sol à la serpillière, etc. Ses séances de ménage se résumaient à débiter à la file cette formule propitiatoire, qu’elle ne cessait de brandir, telle une superstition, comme pour conjurer le sort qui lui a valu de travailler chez la "mécréante", a-t-elle sans doute estimé, que je suis.

A l’autre bout du couloir, K. est toujours satisfaite de ses services. K. ne tarit pas d’éloges sur W. Chez K., W. travaille bien, est soigneuse, souriante, avenante, et quand elle sort, c’est impeccable, et rien, strictement rien, n’a été cassé, "elle m’a même rendu les centimes", s’est exclamée K., un jour qu’elle lui avait demandé de lui faire une course. Et honnête, avec ça.

Petite précision: K. est française. Je suis marocaine. Et tout s’éclaire.

En ce qui concerne K., l’inconscient de W. lui commande de se tenir à carreau. Un travail sur soi, celui de tout un peuple, qui n’a pas encore été accompli.

Quant à la Marocaine, c’est-à-dire Bibi, qui la payait deux fois plus… "Bof. De toute façon, c’est une sous-dév’, comme moi", devait-elle penser, tout à fait inconsciemment. Et bêtement, cela va sans dire.

La "sous-dév’" (que je ne suis pas) en a eu tellement assez, qu’elle a fini par expulser W. Au grand étonnement de K., qui n’a rien compris à ces traitements différenciés que sa femme de ménage réservait à chacune d'entre nous, pourtant voisines.

Du coup, je vais embaucher E. Elle est camerounaise. Dans un passé pas si lointain, et visiblement pas encore digéré au Maroc, son pays avait été mis sous protectorat, tout comme chez nous, par la France. Mais elle, vient de la région anglophone… Not the same. Il ne me reste plus qu’à espérer que je n’aurai pas d’explication freudienne à apporter sur d’éventuelles bizarreries irrationnelles de sa part, entre deux coups de chiffon à dépoussiérer, et un coup de racloir sur la baie vitrée. Je vous tiendrai au courant.

Par Mouna Lahrech
Le 25/02/2021 à 11h00

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VOS RÉACTIONS

le texte de cette chronique asociale faite par Mme L n'était ni faite ni à faire. Outre un style de récit bien pauvre, qui est-elle pour jouer l'embourgeoisée de service en décrivant une relation de domesticité plus que tendancieuse. Evidemment "la françaouia qui la paie moins" ( on ne demande qu'à voir...) ne comprend pas ce qui se joue dans la relation intra-marocaine : l'employée est une voleuse d'aiguille (ghaaaaalia!) tout en s'en remettant à Allah à chacune de ses gestuelles ménagères. Je réitère mon propos : le Maroc, mon pays, me manque terriblement, cette obscénité sociale incarnée par votre chroniqueuse pas du tout.

L'autre jour, vous nous avez raconté votre incident avec le chauffeur de taxi, aujourd'hui, c'est avec une ferme de ménage, demain ça sera probablement le gardien de voitures, après demain "الگلاسة د الحمام" 🤔 et ainsi de suite ! Si ça continue comme ça, il faut vérifier si vous n'aviez pas un problème avec vous-même 🙄

Trop drole... je crois que c’est le panache de tous le monde.

L'apanage ?

I respect your courage ma'am, now you have to face the politically correct police. I found it genuine and hilarious, thank you for sharing. Plz give us more of these real life experience, I admire that you dismissed the hypocrite concept of elhchouma. Hats to you sis, keep it real!

Et la camerounaise, sera sous-payé sans contrat de travail et utilisable jusqu'à usure par nous. C'est comme la mode des bonnes philippines et les marocaines des campagnes à qui on ne donne aucun droit. Arrêtons d'êtres des seigneurs sans raison.

Une boniche, méritait-elle tout ce roman ? Aussi sous-dévelopée qu'inculte elle a un amour propre et a droit à une petitte dose d'humilité de ceux qui se croient extra-terrestres et qu'on qu'on sache comment 'glousser' quand on est une 'Bibi' même dans un pays où la précarité reigne. Le complexe de supériorité ne mène nulle part malgré que dans le pays de qui on se sent fier d'écrire et parler sa langue je me demande qui serait prise pour une sous-dévelopée, car avec le sourire on baisserait la tête aux émoluments et charges sociales, bien différentes à celle de W...

Bravo ! craint de vérités. Que faire Alors ?

Cette situation etait bien connue dans le milieu des entreprises. Ainsi je disais à nos jeunes. Notre economie se portera bien si nos diplômés entreprenaient à l'étranger ou ils sont respectés pendant que on embaucherait des cadres etrangers pour les entreprises. Cela va jusqu'à juste faire acte de presence cela suffit. J'ai des cas...

Je me demande qui de vous deux est "le colonisé"?? Chez nous il y a toujours une catégorie de population colonisée de l'autre: le campagnard du citadin, le riche du pauvre, le cultivé de l'ignorant, le citadin 1ere classe (Casablanca, Marrakech, Fès...) du citadin seconde classe (Fqih Bensalah, Berkane, Ksar Kebir...), les fonctionnaires clefs (juges, officiers, parlementaires, Ministres...) Alors soyons humbles, si nous pouvons !!?

La digression sur la Bessmallah était de trop dans cette chronique parano Bibi ... néanmoins, le délit de persécution est commun à celles qui se voient en K tellement elles souffrent d'être perçues comme des W augmentées ... toutes ces bizarreries, naturellement, sont enfouies dans cet inconscient si cher à F ... (Freud de son petit nom). Sans rancune, j'aime votre plume. J.A Bismillah

Un peu plus de sévérité aurait-il été nécessaire? En ce qui me concerne, j'observe de plus en plus souvent l'inverse entre les "employeurs" français, qui ne savent pas trop y faire, et les marocains, qui connaissent parfaitement la musique! Un juste retour de l'Histoire???

Est ce que ta femme de ménage est inscrit à la CNSS....Tu dis que tu la paies bien même le double du salaire de ton amie, bravo, mais si elle n'est pas déclarer, elle n'a aucunes couvertures sociales (maladie , retraite etc...), de plus tu risque gros en cas d'accident. '' la loi 19-12 -fixant les conditions de travail et d'emploi des employés de maison- exige un contrat dûment signé, visé par les autorités et déposé à l'inspection du travail, pour que le salarié puisse être inscrit à la CNSS.''

Courage BIBI , tu n'es pas sortie de l’auberge , y'aura d'autres W et d'autres E Ne désespères pas, tu finiras par trouver la perle rare ..

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