«Un poète passe» est le titre d’un roman de l’écrivain et poète Abdellatif Laâbi. C’est aussi le titre de son exposition en tant qu’artiste peintre, accueillie depuis ce mercredi 10 janvier 2024 par le Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain de Rabat.
Depuis 2013, l’homme de lettres avait décidé de vivre une nouvelle expérience et d’aller à la découverte du monde pictural. Et cette exposition est née d’une simple proposition adressée à Mehdi Qotbi, président de la Fondation nationale des musées (FNM). «Il a tout de suite répondu oui, sans réfléchir. Pourtant, ce n’est pas simple d’accueillir quelqu’un comme moi», a indiqué Abdellatif Laâbi, lors de la conférence de presse organisée hier mardi 9 janvier, en marge du vernissage de l’exposition.
Plus d’une trentaine d’œuvres, où transparaît une singulière sensibilité poético-picturale, sont données à voir dans l’espace d’exposition du prestigieux musée. Dans cet entretien avec Le360, l’artiste s’exprime sur cette nouvelle aventure.
Nombre de tableaux présentés dans cette exposition datent de 2013. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps avant de les dévoiler?
J’avais fait une petite exposition il y a quelques années à Marrakech. Malheureusement, ce jour-là, un véritable déluge s’était abattu sur la ville le jour du vernissage. Résultat, peu de gens se sont déplacés et il y a eu bien peu d’échos.
Toutefois, avec cette première exposition, je suis sorti de la clandestinité. Quand je m’étais lancé dans la peinture, c’était pour mon simple plaisir personnel. Mais ce plaisir est devenu tellement intense qu’il m’a propulsé dans cette aventure sans crier gare.
Jusqu’à quel point l’expérience de la revue Souffles, que vous aviez fondée en 1966, a déclenché cette envie de peindre?
Durant l’aventure de la revue Souffles, il y a eu des artistes comme Mohamed Chabâa, Mohamed Melehi et Farid Belkahia. Découvrir cette forme de peinture fut pour moi une révélation. J’ai aussi rencontré Jilali Gharbaoui, qui vivait à Rabat à cette même période. J’ai aussi découvert d’autres peintres du monde entier lors de mon vécu en France.
Je me suis donc rendu compte que quelque chose me manquait dans cette expérience. À savoir, une implication, pas seulement du regard, de l’imagination, mais aussi du corps entier dans un travail de création plastique. Et à mon sens, il n’y a que la peinture pour faire intervenir le corps dans son intégralité: le regard, la gestuelle...
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Vous avez une longue carrière de poète et d’écrivain. Comment avez-vous vécu celle récemment entamée d’artiste peintre?
Je l’ai vécu tout simplement comme un plaisir personnel, comme une découverte. Je n’ai aucune prétention. Mais en même temps, je sais que ce que j’ai réalisé n’appartient à aucune école particulière. Enfin, il me semble. Il appartient aux spécialistes de dire ce que ça représente. Même si dans le fond, je n’y crois pas beaucoup. Ce qui est important pour moi, ce n’est pas d’avoir un lien privilégié avec un mouvement pictural dans le monde ou une époque déterminante de l’évolution des arts plastiques. Ce qui m’intéressait, c’était l’inconnu, et aussi de pouvoir m’exprimer autrement qu’avec les mots.
Pensez-vous que cette nouvelle expérience de peintre a nécessité une certaine audace de votre part?
Non, l’expérience de la peinture s’est imposée à moi. C’est vraiment inconscient. Je n’ai pas choisi, ça s’est fait tout seul. La peinture s’est emparée de moi, et on ne voit dans cette exposition qu’une petite partie de cette expérience.
Quelle continuité souhaitez-vous donner à cette nouvelle aventure?
Lorsque j’ai commencé à peindre, j’avais la chance d’être à Rabat, d’avoir une maison assez spacieuse, et un lieu dédié où j’ai beaucoup travaillé. J’avais donc beaucoup peint à cette époque-là. Malheureusement, depuis, j’ai dû quitter cette maison. Aujourd’hui, je peins dans la cuisine dans mon appartement en banlieue parisienne. Ce n’est pas la même chose.