La cryptomonnaie gagne le monde de l’art au Maroc. Ali Kanane, designer graphique et dessinateur casablancais âgé de 34 ans, fait partie de quelques rares artistes marocains qui ont pénétré l’univers des NFT (Non fungible Token ou jeton non divisible).
En résumé, il s’agit d’un système d’authentification d’une œuvre digitale, basé sur la technologie de la Blockchain. L’œuvre, entièrement numérique, dispose d’un QR code. La personne qui s’apprête à l’acquérir en monnaie virtuelle est sûre ainsi de posséder une œuvre unique et authentique.
Et pour Ali Kanane, cette technologie, la même que celle utilisée dans les jeux vidéo, lui est bien familière. Ce dessinateur a en effet travaillé pendant de longues années avec l’éditeur de jeux vidéo Ubisoft qui avait créée une antenne marocaine avant de fermer ses studios à Casablanca en 2016.
Et c’est précisément à cette époque que Ali a affuté ses armes dans la conception graphique et a développé plusieurs recherches dans l’art digital et urbain. Parallèlement à son travail professionnel pour le compte de plusieurs marques internationales, il a travaillé sur des recherches purement personnelles via le digital painting créé sur une tablette graphique.
Lire aussi : Cryptomonnaies: Bank Al-Maghrib lance la réflexion sur le concept de monnaie digitale de banque centrale
Ces mêmes recherches, très plastiques, aboutiront entres autres à une série en hommage au célèbre acteur américain Anthony Hopkins. «Anthony Hopkins est un acteur que je respecte énormèment. Son rôle de Dr Ford dans la série à succès Westworld m’a vraiment impressionné. Et c’est surtout le concept de cette série qui montre quelque part comment l’humain se déshumanise lorsqu’on lui accorde une totale liberté. Le code humain disparaît lorsqu’il n’y a aucune loi. J’ai voulu explorer à ma manière cette même idée qui m’a beaucoup intéressée», confie Ali Kanane pour Le360.
Ainsi est née l’œuvre : «Sir Philip Anthony Hopkins», mise en enchère à 0,5 Ethereum (ETH), une valeur digitale qui correspond à 1.600 euros. «Pour l’instant, l’œuvre a atteint 0,4 ETH et sa valeur peut aussi grimper, et qui sait, dépasser ce seuil de 0,5 ETH que j’ai fixé», espère Ali Kanane, optimiste.
Les œuvres vendues en cryptomonnaie est un phénomène nouveau au Maroc sur le marché de l’art qui commence à peine à se structurer. Investir ce monde ne risque-t-il pas de créer une certaine anarchie et de laisser la porte ouverte aux imposteurs? La réponse de Ali Kanane laisse entrevoir une certaine lucidité.
© Copyright : DR
«C’est peut-être une porte ouverte à ceux qui s’improvisent artistes de la dernière heure, mais c’est un terrain qu’il faut investir pour gagner de la visibilité. Si nous, artistes marocains, nous n’y sommes pas, il y en aura d’autres». Et d'ajouter: «cette technologie ouvre de nouveaux horizons aux artistes en leur permettant d’atteindre rapidement et efficacement une audience mondiale et de transcender les frontières, particulièrement en ces temps de pandémie où les expositions sont compliquées à monter.»
Ali Kanane préfère aussi pour le moment y aller doucement en optant pour un procédé qu’on qualifiera d’hybride. L’artiste a également proposé, en plus de l’œuvre digitale, une autre œuvre en série limitée de 40 impressions physiques et qui a été écoulée selon ses propres dires en 72 heures.
La tête froide, Ali Kanane prépare sa première exposition pour 2022 sur la monstruosité du monde. Il n’en dit pas plus et préfère garder un peu de suspense sur l’évolution des choses.