Une des doctrines mystérieuses, considérée comme l’une des plus anciennes religions monothéistes révélées, est ce que les Arabes ont appelé al-Mâjoussiya et ses disciples, de manière erronée, ‘Abadat an-nâr (Adorateurs du feu).
Son prophète est Zarathoustra, né en Perse, exactement en Azerbaïdjan actuel, à une date qui ne fait pas l’unanimité, évaluée parfois à plus de 1.400 années avant notre ère.
Appelé Zerdust en parsi, il est le réformateur de l’ancien culte mazdéen décadent, pour prôner un monothéisme moral dont l’éthique impose le discernement entre le bien et le mal en attendant le jugement dernier.
Tant de théories fantaisistes ont été élaborées à son sujet, avant que les recherches en Occident ne marquent un tournant depuis la découverte au milieu du XVIIIe siècle, par l’indianiste Anquetil-Duperron, de fragments de son Écriture, intégrés dans les textes sacrés de l’Avesta.
On découvre dans ses hymnes, appelés Gāthās, ses enseignements et sa croyance en Dieu unique, Créateur transcendant, glorifié dans des accents fervents : «Tu es le Premier et le Dernier, Ô Mazda ; Toi, Père de la pensée bonne ; Toi, le véritable instructeur de l’Ordre et de la Droiture...».
Le culte qui lui est rendu consiste en cinq prières quotidiennes faites de prosternations en présence du soleil ou d’un feu sacré, entretenu perpétuellement dans les temples.
Si la prééminence céleste d’Ahura-Mazda est incontestée, il se joue cependant une lutte permanente entre deux forces illustrant la lumière et les ténèbres : «Spenta Mainyu» (le Saint esprit) et Ahriman ou «Ahra Mainyu» (le Mauvais esprit) tandis que le libre arbitre est accordé à l’Homme, seul responsable de ses choix.
La métaphysique zoroastrienne intègre, par ailleurs, l’existence des anges, ainsi que la promesse d’une vie éternelle après la mort avec l’idée de l’immortalité de l’âme qui franchirait le pont de Chinvat pour se diriger vers le paradis, le purgatoire ou l’enfer.
Illuminé par un espoir eschatologique, Zoroastre prêche également le triomphe du Bien à la fin des temps et l’avènement d’un Messie-rédempteur présidant à l’émergence d’un monde nouveau.
C’est ce qui a fait déceler une influence du zoroastrisme sur le chiisme duodécimain caractérisé par l’attente de l’Imam caché, rappelant par la même occasion le Mahdisme millénariste chez les sunnites ou le messianisme chrétien.
Dans ce sillage, comment ne pas penser aux liens anciens entre le monde perse et le christianisme naissant, représentés par la visite des Rois Mages, prêtres mèdes, venus d’Orient, «guidés par l’étoile» jusqu’au lieu de naissance de Jésus dans lequel ils auraient reconnu l’exaucement de la prophétie zoroastrienne, prédisant la naissance d’un Sauveur dans une caverne à la suite de la fécondation miraculeuse d’une Vierge.
En plus d’avoir préparé le dualisme des philosophes grecs par cette distinction entre mondes subtil et physique, de nombreuses données, familières aux trois monothéismes abrahamiques, sont consignées dans l’Avesta.
Dans son ouvrage, «Naissance du monothéisme», l’historien des religions, André Lemaire, souligne que c’est durant la période de l’Exil à Babylone que se rencontrent les premières affirmations claires d’un monothéisme absolu.
Beaucoup de penseurs, de la trempe de Baruch Spinoza, sont d’accord sur le fait que le Pentateuque n’a pas été écrit par Moïse, mais plusieurs siècles plus tard.
Certaines hypothèses en situent la rédaction finale au VIe siècle avant J.-C., au retour des Hébreux de l’exil à Babylone et leur libération par l’empereur de Perse Cyrus le Grand.
Durant cette période, ils auraient été nourris au contact du monothéisme de Zarathoustra, tel que cela apparaît dans les travaux de l’historien des religions suédois Geo Widengren.
Côté musulman, en plus des similitudes métaphysiques, il est remarquable de noter, avec Cyril Glassé, l’accomplissement chez les deux, des cinq prières quotidiennes, de l’usage de l’ablution, de l’importance de l’intention avant les actes...
Le zoroastrisme n’était pas inconnu en Arabie antéislamique où résidait une minorité zoroastrienne, placée ensuite sous la protection de l’État en tant que Gens du Livre dotés d’une religion révélée, même si des divergences subsistent entre les différentes écoles juridiques, en raison sans doute des dérives dualistes nées du zoroastrisme.
Dans le Coran, le terme «majous» apparaît une seule fois, dans «Sourate al-Hajj», traduit par «mages», sachant que chez les Arabes, il s’agit d’un nom collectif désignant les mazdéens ou zoroastriens et qu’il est appliqué parfois communément pour définir les religions classées sans révélation, par comparaison avec les Gens du Livre.
C’est pour cela que le doute subsiste au sujet de la nature exacte des croyances des populations dites «majous», décrites au Maroc, notamment dans le grand Sud saharien, chez les tribus Lemtouna, avec leurs différentes branches au moment de l’arrivée des troupes du général Oqba ibn Nafi’.
Il en est de même pour le nom de la tribu amazighe des Maghoussa issue du groupe sédentaire Masmouda, dont certains voient la survivance du nom des Majous et dont la marque en toponymie subsiste dans la région de Chichaoua, de même qu’avec une bourgade de la région d’al-Gara dans la plaine Chaouia.
Dans cette vaste province atlantique, appelée alors Tamesna, régnait la principauté jugée hérétique des Berghouata, surnommée dans les chroniques médiévales «Royaume des Majous».
C’est ainsi que le chroniqueur du règne mérinide, Ibn Abi Zar’, en évoquant l’expédition sur leur terre de Abd-Allah ibn Yacine, chef spirituel des Almoravides, les désigne sous le nom de «Majous, gens de perdition et de mécréance».
Là où les choses se précisent quant à la détermination de la croyance, c’est avec la mention de «temple du feu».
Dans son chapitre relatif à la dynastie idrisside, Ibn Khaldoun évoque le lieu d’emplacement de la ville de Fès comme étant le territoire premier des tribus berbères Béni Irghech et Béni al-Khayr, fractions de la grande tribu Zouagha. La première comprenait, dit-il, des juifs, des chrétiens et des Majous avec leur temple du feu, appelé Chibouba, tous convertis par Idris le Grand.
Dans son ouvrage dédié en 1326 à l’histoire de Fès, sous le titre «Al-Anîs al-mutrib bi-rawd al-qirtâs», Ibn Abi Zar’ attribuait plutôt ce temple à la tribu Aït Yezghtn (nom arabisé en Béni Yazgha).
Ces derniers résidaient, au moment de la fondation de la future capitale, sur la rive droite d’Oued al-Jawahir, sur le territoire de ce qui allait devenir la Rive des Andalous et abritait un temple, littéralement «Bayt Nar» (demeure du feu), connu sous le nom de Chibouba.
Par ailleurs, dans son ouvrage généalogique consacré aux grandes familles de Fès au XVe siècle, l’historien et poète grenadin établi à Fès, Ismaïl ibn Lahmar, fait mention d’une famille d’ancienne confession zoroastrienne, du clan des Béni Abouda dont l’origine est affiliée à la tribu Aït Yezghtn.
Son ancêtre Abouda pratiquait le culte des Majous et habitait sur l’emplacement même de la future cité, dans un endroit connu sous le nom de Chibouba avant d’être islamisé par Idris II.
En plus du zoroastrisme, dans quelle mesure le mithraïsme lui-même a-t-il regagné le Maroc avec des syncrétismes locaux à l’instar de tout le bassin méditerranéen et bien au-delà? Les fouilles effectuées à Volubilis pendant la période coloniale avaient en ce sens permis d’identifier deux inscriptions relatives au culte de Mithra.
Pour dire que le Maroc n’a pas échappé aux influences religieuses qui ont marqué le monde ni même sûrement aux contacts directs avec les Perses.
Qu’on se rappelle des légendes concernant les Perses de Salluste venus en Occident lointain, «plus près de l’océan» avec l’armée d’Hercule!