L’interview croisée de Leila Slimani et Tahar Ben Jelloun dans le dernier numéro de Paris Match révèle leurs similitudes. Même s’ils appartiennent à deux générations distinctes, les deux auteurs partagent plusieurs points en commun.
D’abord, le sujet de la sexualité au Maroc. Dans «La nuit sacrée», roman publié en 1987, Tahar Benjelloun écrit sur un des thèmes qui fait couler le plus d’encre et de sang dans le monde musulman.
Vingt ans plus tard, dans «Sexe et mensonges», Leila Slimani lève le voile à son tour sur toute l’hypocrisie qui accompagne le rapport à la sexualité dans les sociétés arabo musulmanes. Ce courage de traiter les tabous est-il suffisant pour statuer sur ce qui rassemble les deux écrivains, tous les deux lauréats du prestigieux prix Goncourt. «Il y a plus de choses qui nous rapprochent que de choses qui nous séparent» répond d’emblée Leila Slimani au journaliste de Paris Match.
Et Tahar Ben Jelloun à son tour de renchérir : «Nous avons en commun cette pertinence d'une vision critique en permanence et nous nous intéressons aux mêmes sujets, qui sont des sujets vitaux. La connaissance de la femme, les violences, l'égalité et la justice. Nous avons un itinéraire différent mais, à sa manière, Leïla a vécu des choses que j'ai vécues aussi…»
Dans ses réponses, Tahar Ben Jelloun est plus nuancé, tandis que Leila lui préfère un ton plus affirmatif. Lorsque lui il dit: «cette facilité à tout mettre sur le dos de la religion, ce qui nous énerve au plus haut point. Ma libération vient du fait que je ne suis soumis à rien, si ce n’est à la beauté et à l’intelligence», elle, à son tour ajoute: «Voilà, nous sommes des personnes libres et fatiguées par les tartufferies, l'hypocrisie et le politiquement correct».
Au fil de l’interview et des réponses, d’autres propos soulignent cette différence dans le ton des deux protagonistes. «J'essaie surtout de dénoncer la souffrance qui résulte de cette hypocrisie. Ces femmes n'ont pas l'impression d'être soutenues sur le chemin de l'émancipation. Elles vont perdre leur virginité mais être rejetées». Ici, chez Leila Slimani, il n’y a pas photo, le tableau est noir.
Mais, pour Tahar Ben Jelloun, il y existe tout de même des foyers de lumières, des sources d’espoir lorsqu’il dit: «Il y a quand même des signes encourageants, une société civile active, des collectifs de femmes qui agissent. Quand les choses sont trop étouffées, elles finissent par éclater».
Mais cet espoir et ce vent d’optimisme, les deux écrivains ont l’air de s’y accrocher. «Heureusement que des écrivains et des intellectuels ont envie de faire bouger les choses. Ça ne veut pas dire que nous n'aimons pas notre pays» conclut Leila Slimani.