Toufik Izeddiou, fondateur du festival On Marche: «Au Maroc, on propose un regard frais sur la danse contemporaine»

Toufik Izeddiou, chorégraphe et fondateur du festival de danse contemporaine On Marche.

Le 14/03/2024 à 10h01

VidéoToufik Izeddiou est le fondateur du festival de danse contemporaine On Marche, dont la 17ème édition s’est clôturée le 9 mars à Marrakech. Dans cet entretien, ce chorégraphe de profession revient sur les temps forts et les spécificités de ce cru 2024.

La 17ème édition du festival international de danse contemporaine On Marche s’est tenue du 1er au 9 mars, à Marrakech, et les spectacles qui l’ont composé ont remporté un franc succès. Soutenu par le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication depuis plusieurs années, le festival a inauguré la série d’événements artistiques qui se déroulera tout au long de l’année 2024 en célébration du statut de «Marrakech, capitale de la culture dans le monde islamique».

Trois spectacles ont été donnés sur deux sites historiques et emblématiques de ville. Deux sur la place Jemaâ El Fna: «Rideau de frères», de Bouziane Bouteldja (Algérie, France), et la chorégraphie géante «Panique olympique #4», d’Agnès Pelletier (France). Cette dernière, qui avait la particularité de réunir amateurs et professionnels sur scène, démontre que la danse contemporaine s’adresse à tous, sans restriction d’âge ou de corps. Le troisième spectacle, intitulé «Silex et craie» (Calcédoine et Coccolithe), a eu lieu au palais Al Bahia, et était signé des deux légendes de la danse contemporaine que sont Vincent Dupont et Bernardo Montet. Dans cet entretien pour Le360, le chorégraphe Toufik Izzeddiou, fondateur du festival, évoque les temps forts de cette édition.

Le360: Quels ont été les spécificités de cette 17ème édition du festival On Marche?

Toufik Izzeddiou: Le festival s’est inscrit cette année dans le cadre du programme «Marrakech, capitale de la culture dans le monde islamique». Et en partenariat avec le ministère de la Jeunesse, de la Cuture et de la Communication, nous avons voulu proposer une programmation qui résonne avec cette question. D’où le sujet de la spiritualité dans la danse contemporaine. Tout a donc été orienté vers la spiritualité.

Depuis l’année dernière, le festival On Marche dispose de nouveaux projets, le concours «Taklif», pour la jeune création, et la formation «Nafass» sur trois mois, qui va s’installer dans les prochaines années au Maroc. Il y a aussi un volet forum, avec des conférences sur la question du corps dans l’espace intellectuel marocain.

Comment le choix des artistes a-t-il été effectué?

On sait bien que le festival ne dispose pas de moyens financiers importants. Dans d’autres pays, le directeur artistique d’un festival dispose d’un budget pour voyager pour aller assister à des pièces de danse, pour se tenir au courant des dernières nouveautés et découvrir des artistes qu’il peut programmer. Ce n’est pas le cas ici.

Nous avons toutefois la chance de voyager dans plusieurs pays avec nos créations. Nous rencontrons plusieurs personnes, nous assistons à plusieurs festivals, nous suivons l’actualité de la danse. Donc, tout au long de l’année, nous avons le temps de trouver qui peut présenter le mieux la danse ici et qui peut nous aider à construire la danse d’aujourd’hui et de demain.

«Il est important de rencontrer Bernardo Montet et Vicent Dupont, de se rendre compte de tout ce qu’ils font pour la danse, qu’ils sont encore là, sur scène, même à l’âge de 60 ans passés.»

Comment avez-vous imaginé les temps forts de cette édition?

Pour moi, tout le festival est un temps fort, car il répond vraiment aux défis de la danse contemporaine dans le monde, à savoir les besoins de la nouvelle génération et les besoins de cette industrie de la danse. La formation «Nafass», le prix «Taklif» et les pièces présentées... Tout cela constitue des temps forts.

Mais si nous souhaitons parler de certaines présences importantes pour nous, je citerai Bernardo Montet et la formation qu’il a donnée avec «Nafass», et Vincent Dupont avec ce magnifique projet «Select» qu’il a réalisé avec le même Bernardo Montet. Il est très important de rencontrer ces gens, de se rendre compte de tout ce qu’ils font pour la danse à l’international et qu’ils sont encore là aujourd’hui, sur scène, même à l’âge de 60 ans passés.

Qu’en est-il selon vous de la situation de la danse contemporaine dans le monde arabe en général et au Maghreb en particulier?

Ce qui se passe aujourd’hui dans le monde arabe est très important. C’est un autre rapport au temps, un autre rapport à l’espace, à la danse, au corps et donc ça peut être très intéressant de voir quelle est la nouvelle interprétation artistique qui va surgir de ce monde arabe. Mais il faut rappeler que la Tunisie est le seul pays dans le monde arabe qui a un centre chorégraphique national et un ballet national. Les Tunisiens sont très en avance sur cette question, qui est la nécessité d’avoir un repère et un lieu de travail.

«Les Marocains ont beaucoup de choses à dire et il y a de vrais artistes et de vrais chorégraphes qui proposent un regard frais sur la danse contemporaine.»

—  Toufik Izeddiou, chorégraphe et fondateur du festival de danse contemporaine On Marche.

Je pense aussi que les Marocains ont beaucoup de choses à dire et qu’il y a de vrais artistes et de vrais chorégraphes qui proposent un regard frais sur la danse contemporaine. Le pays regorge de talents, de pédagogues et de chorégraphes, on travaille sur les futures générations, mais il est très important d’avoir des lieux dédiés aux jeunes danseurs.

Il est tout aussi important d’élargir la base, de former beaucoup de monde et surtout de créer un marché pour la danse. C’est ce que nous essayons de faire avec le festival On Marche, mais le faire une fois par an ne suffit pas. Il faut vraiment s’installer dans la durée et avoir une présence permanente de la danse durant toute l’année, plutôt que d’attende On Marche pour se réunir et se retrouver ensemble pour vérifier où l’on est par rapport à la danse.

Dans les prochaines années comment percevez-vous l’évolution de ce festival?

Je pense à la 20ème édition et j’estime que le festival doit atteindre son équilibre, en trouvant des sponsors. Nous avons plusieurs structures qui nous soutiennent, mais il va falloir vraiment rêver plus, penser plus et trouver plus de moyens, et arriver à signer des conventions de trois ans avec plusieurs structures pour que l’on puisse travailler correctement.

Par Qods Chabâa et Mouad Marfouk
Le 14/03/2024 à 10h01