Le Maroc, locomotive du marché de l’art africain, selon l’expert Morad Montazami

Morad Montazami, commissaire d'exposition. (K.Essalak/Le360)

Si le Maroc s’affirme comme une plateforme incontournable pour l’art contemporain en Afrique, les échanges avec le reste du continent restent limités. Le commissaire d’exposition Morad Montazami analyse cette dynamique et revient sur la visibilité des artistes marocains à l’international.

Le 07/02/2025 à 13h00, mis à jour le 07/02/2025 à 13h01

Expert des scènes artistiques du Moyen-Orient et du Maghreb, l’historien de l’art et commissaire d’exposition Morad Montazami offre un regard aiguisé sur le marché de l’art africain et sur les échanges entre Afrique du Nord et Afrique subsaharienne. Dans cette interview, il aborde les défis et les opportunités du marché de l’art contemporain au Maroc et sur le continent.

Le360: Les initiatives telles que la foire 1-54 et la promotion d’artistes subsahariens par des galeries marocaines favorisent-elles une réciprocité dans les échanges artistiques?

Morad Montazami: Les échanges existent, mais leur intensité et leur rythme varient considérablement. En Afrique du Sud, par exemple, le Zeitz MOCAA ou la Fondation Zinsou au Bénin possèdent des collections d’artistes d’Afrique du Nord. Je cite volontairement ces deux institutions car il existe encore peu de collections véritablement continentales en Afrique, c’est-à-dire regroupant des œuvres d’art contemporain provenant de plusieurs pays du continent.

«Le manque d’infrastructures et le développement des musées expliquent en partie pourquoi les artistes subsahariens sont plus visibles en Afrique du Nord que les nord-africains en Afrique subsaharienne.»

—  Morad Montazami, commissaire d'exposition.

Mais pour être franc, ces échanges transafricains restent balbutiants. Cette frontière entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne doit encore être déconstruite, car elle résulte d’une politique coloniale qui a marqué nos inconscients et qui peut parfois nourrir des tensions, voire du racisme sur le continent.

L’un des enjeux majeurs est de créer des ponts concrets pour que l’Afrique parle d’elle-même. Le manque d’infrastructures et le développement des musées expliquent en partie pourquoi les artistes subsahariens sont plus visibles en Afrique du Nord que les nord-africains en Afrique subsaharienne. Il s’agit donc d’une dynamique en construction — ou plutôt en reconstruction — car ces relations ont été coupées par la période coloniale et son esprit de division.

Le marché de l’art contemporain marocain s’est développé dans les pays du Moyen-Orient. Qu’en est-il en Afrique?

Il existe des initiatives et elles doivent être encouragées. Certains galeristes travaillent sur l’ensemble du continent ou dans des zones spécifiques. Mais nous faisons face à plusieurs obstacles: la liberté de circulation des personnes et des œuvres, les contraintes administratives et financières, sans oublier les conflits.

Cela dit, le Maroc est une force motrice du continent africain. Ce n’est pas un simple discours: économiquement, il joue un rôle de locomotive pour la région, et cette dynamique se reflète aussi dans le domaine artistique. Il est donc logique que l’art subsaharien bénéficie d’une forte visibilité au Maroc.

Cependant, cela n’exclut pas les efforts pour exposer les artistes nord-africains en Afrique subsaharienne. Des échanges existent, notamment avec le Sénégal et sa biennale de Dakar, qui offre une belle représentation aux artistes subsahariens.

Où collectionne-t-on le plus les artistes marocains aujourd’hui?

La visibilité des artistes marocains s’est mondialisée. Leurs œuvres sont désormais présentes dans des collections de musées européens, américains, mais aussi africains.

La scène artistique marocaine s’exporte brillamment grâce à des événements internationaux comme la biennale de Venise. Si les liens historiques avec la France restent forts, le Maroc développe également de nouvelles relations avec les États-Unis et l’Asie. On observe d’ailleurs des ponts artistiques intéressants, par exemple entre le Maroc et le Japon, à travers des artistes comme Sara Ouhaddou, qui travaille sur les interactions entre l’artisanat marocain et les traditions textiles japonaises.

Les artistes marocains continuent donc leur expansion, et aujourd’hui, dans le monde arabo-musulman, ils sont probablement les mieux représentés sur la scène internationale.

Par Qods Chabâa et Khalil Essalak
Le 07/02/2025 à 13h00, mis à jour le 07/02/2025 à 13h01

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