Au Maroc, "les droits d’auteurs", c'est un sujet qui fâche. Pendant des années, les artistes marocains, en général, et les musiciens en particulier, se sont toujours plaints du fait que leurs œuvres sont exploitées sans qu’ils n'en perçoivent les droits. Et quand ils les perçoivent, les montants sont dérisoires.
Le Bureau marocain des droits d’auteurs (BMDA), créé en 1965 par décret, et dirigé actuellement par Dalal Mhamdi Alaoui, est le seul chargé de percevoir et de répartir les droits d’auteurs. Il gère les intérêts des diverses sociétés étrangères d’auteurs dans le cadre de conventions ou d'accords passés avec elles.
La Société française des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) en fait partie. Et les adhérents marocains du BMDA recevaient leur chèque en euros, puisque c’était la SACEM qui avait toujours distribué l’argent collecté des radios à l’étranger, en se basant sur le principe de réciprocité et sur leur propre barème. Les radios marocaines, elles, ont convenu de payer 4% de leur chiffre d’affaire publicitaire. Et ce montant varie en fonction des années.
En 2019, Hit Radio, par exemple, a versé 600.000 dirhams au BMDA. Par contre, cette radio privée, lancée en 2006 au moment de la libération des ondes, ne sait pas si tous les artistes qu’elle diffuse touchent leur argent, et, surtout, si cet argent qu’ils reçoivent correspond bien à la diffusion du titre sur cette radio et non pas à celui d’un autre passage lambda, celui d’une télé, d’un café, d’un restaurant…
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La base de données du BMDA, et son logiciel qu’elle vient à peine d’acquérir il y a deux ans, et réalisé par l’Office marocain de la propriété intellectuelle (OMPI) ne permet d'ailleurs pas cette précision de l’information.
Dans cette base de données, les données saisies proviennent surtout des instances de radiodiffusion. Le BMDA doit en principe collecter un programme des cafés, restaurants et autres lieux où sont diffusés les œuvres des artistes à travers les délégations installées dans les principales villes du Maroc. Les cafés sont tenus de verser les droits d’auteurs annuellement. Selon le barème du BMDA, certains cafés peuvent payer entre 400 dirhams et 700 dirhams par an. Certains paient, d’autres non, puisqu’ils n’envoient même pas leur programme au BMDA. C’est là que doit intervenir le travail de recouvrement des délégations du BMDA, installées dans les principales villes du Maroc.
Depuis sa création en 1965 et jusqu’au 31 janvier 2020, le nombre d’adhérents au Bureau marocain des droits d’auteurs a atteint 2.860 adhésions. Et en 2019, le BMDA a collecté 15 millions de dirhams en droits d’auteurs et 18 millions de dirhams, issus de la redevance sur la copie privée.
Depuis la promulgation de la loi sur la copie privée en 2018, une redevance sur l’importation de tous les supports numériques (ordinateurs, téléphones, clefs USB, etc., ), la marchandise est codifiée et récoltée par le Bureau marocain des droits d’auteurs. Depuis 2018, même si la copie privée est en réalité une annexe aux droits d’auteurs, ses ressources dépassent de loin les revenus des droits d’auteurs qui doivent provenir de la collecte, le travail de base du BMDA.
Constatant que la machine des droits d’auteurs au Maroc avançait très lentement, plusieurs artistes se sont constitués en Association et ont demandé une nouvelle loi pour les Droits d’auteurs au Maroc, afin de revendiquer plus de représentativité.
En 2019, un collectif composé, entre autres, du syndicat artistique des droits voisins (SADV) et du syndicat artistique des producteurs et auto-producteurs lance la campagne "Donne-moi ma loi". Tout de suite après, en novembre 2019, un projet de loi n°25-19 est conçu par le secrétariat général du gouvernement et atterri au parlement. Personne n’a été consulté, même pas le BMDA.
Aujourd’hui, il n’a toujours pas entamé le parcours législatif. Plusieurs espèrent que ce projet de loi sera modifié et inclura les recommandations établis à la fois par les radios privées, les artistes et le BMDA. Tous demandent une meilleure représentativité de l'ensemble des secteurs. Depuis 1965, et à aujourd’hui, la musique est le premier revenu des droits d’auteurs. Il est donc nécessaire et urgent d’ouvrir les droits d'auteurs à d’autres arts comme le théâtre, le cinéma, la photographie, les arts plastiques.
Il est aujourd'hui plus que temps d’accélérer la machine du Bureau marocain des droits d’auteurs en encadrant à la fois son statut et la manière de rétribuer tous les créateurs marocains, toutes catégories confondues.