Au Salon international de l’agriculture à Meknès, les bêtes aux gabarits impressionnants ne sont pas les seules stars. Pour les professionnels du secteur, cette année, le clou du spectacle était plutôt du côté des stands exposant des drones. Dans les vastes allées du salon, l’innovation prend littéralement son envol, rassemblant dans un couple inhabituel agriculteurs et technophiles autour de la découverte de ces objets volants parfaitement identifiés.
Habillés de couleurs criardes et encombrées d’images de champs luxuriants survolés de ces volatiles électroniques, les stands des exposants étaient un véritable pôle d’attraction au SIAM. Des drones de toutes tailles et de toutes formes s’y exposent, offrant le spectacle presque futuriste de ce que seront probablement les champs de demain. Y compris pour les fellaha marocains.
Car l’engouement de ces derniers est patent, pour une technologie que la plupart ne font encore que découvrir. Nombre d’entre eux échangent d’ailleurs à bâtons rompus avec les représentants des exposants, histoire d’en savoir plus sur les bénéfices que pourrait leur apporter l’usage de ces dispositifs dans leurs exploitations. «Les drones offrent un potentiel énorme pour améliorer l’efficacité et la précision de nos opérations. En tant qu’agriculteur, je suis constamment à la recherche de moyens d’optimiser mes rendements tout en réduisant les coûts et l’impact environnemental, et les drones semblent être une solution prometteuse», répond un jeune agriculteur visiblement conquis.
À côté de lui, un groupe de ses confrères échange tout aussi énergiquement avec le représentant d’une entreprise exposante. «Nous avons déjà commencé à utiliser des drones dans notre exploitation. Cela nous a permis de détecter, avec une grande précision, les zones où nos cultures avaient le plus besoin de fertilisants. Cela a vraiment transformé notre façon de travailler», assure cet opérateur.
(Crédit: Adil Gadrouz / Le360)
Les agriculteurs ont manifestement pris conscience de la place que des drones pourraient occuper dans leurs pratiques agricoles, et ce pour plusieurs raisons clés. Selon Yassine Qammous, directeur général d’un distributeur de drones, l’adoption de ces appareils a un premier impact, de nature sociale: elle contribue à encourager les jeunes générations à construire leur carrière dans l’agriculture, les dissuadant d’une éventuelle migration des zones rurales vers les villes.
Plus prosaïque, l’autre aspect à souligner est celui de la sécurité sanitaire. «Lors de l’utilisation de tracteurs pour l’application de produits phytosanitaires, les conducteurs sont directement exposés à ces produits chimiques, ce qui peut affecter leur santé à long terme. Les drones offrent une solution à ce problème, permettant aux opérateurs de rester à une distance sûre des zones traitées, généralement autour de 500 mètres», signale notre interlocuteur.
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Ces appareils permettent aussi d’avoir une vue aérienne des champs, facilitant une cartographie détaillée des cultures. Cette vue d’ensemble aide les professionnels à détecter rapidement les problèmes dans de vastes étendues de terrain, comme les infestations de nuisibles, les maladies des plantes ou des défaillances d’irrigation.
Grâce aux données collectées à travers les drones, les agriculteurs peuvent pratiquer une agriculture de précision, c’est-à-dire appliquer exactement la quantité nécessaire d’eau, d’engrais ou de pesticides dans des zones spécifiques. De quoi éviter les gaspillages, réaliser des économies et réduire l’impact environnemental. Enfin, ces petites machines volantes peuvent couvrir rapidement de grandes superficies, ce qui équivaut à un gain de temps et d’efficacité substantiel par rapport aux méthodes de surveillance traditionnelles, comme la marche ou le déplacement en tracteur.
«En termes de performance, les drones peuvent traiter entre 4 et 16 hectares par heure, que ce soit pour l’application de produits phytosanitaires, la distribution d’engrais granulaires, la fertilisation foliaire liquide ou même pour réaliser des scans des cultures. À titre de comparaison, un tracteur traite seulement 2 à 3 hectares par heure», poursuit Yassine Qammous.
Optimiser les rendements
De plus, les drones équipés de capteurs spéciaux peuvent surveiller la santé des cultures en mesurant les indices de végétation et d’autres indicateurs. Cela permet aux agriculteurs de réagir rapidement pour optimiser la croissance des plantes et améliorer les rendements. Et en cas de détection rapide de problèmes spécifiques, ces appareils permettent une intervention rapide, ce qui peut être crucial pour sauvegarder les cultures affectées.
Reda El Arbaoui, à la tête d’une entreprise de distribution de drones, souligne de son côté l’importance croissante de ces dispositifs dans le secteur agricole, où ils jouent un rôle crucial dans deux domaines clés: l’analyse et la pulvérisation. Il explique que ces dispositifs révolutionnaires sont indispensables pour «optimiser les rendements agricoles en améliorant l’utilisation des intrants et en fournissant un processus décisionnel transparent et efficace».
Parmi les modèles de drones proposés par son entreprise se trouve ce dispositif, doté d’une cuve de 40 litres, capable de pulvériser jusqu’à 2 hectares en seulement 10 minutes, et 100 hectares par jour, ce qui en fait un outil inestimable pour les agriculteurs soucieux d’optimiser leur production.
Reda El Arbaoui ajoute que la société qu’il présente agit à la fois en tant que revendeur et prestataire de services. «Les agriculteurs désireux d’acquérir un drone doivent obtenir une autorisation d’importation du ministère, un processus qui peut prendre entre deux et trois mois. De plus, chaque vol nécessite une autorisation préalable, demandée généralement entre deux semaines et une semaine avant la date prévue du vol», note-t-il.
Côté prix d’achat, ils varient en fonction de plusieurs facteurs, notamment la puissance du drone, la capacité de sa cuve et l’autonomie offerte par sa batterie.
Ils oscillent ainsi entre 150.000 et 300.000 dirhams, permettant aux agriculteurs d’opter pour le modèle qui correspond le mieux à leurs besoins et à leur budget. «Pour les services de pulvérisation, ils sont facturés à environ 180 dirhams l’hectare, offrant ainsi aux agriculteurs un accès abordable à cette technologie de pointe pour améliorer leur productivité et leur rentabilité», fait-il savoir. «Les drones offrent aux agriculteurs des outils puissants pour gérer leurs terres de manière plus efficace, durable et économique, d’où une adoption croissante dans le secteur agricole», conclut-il.