Le secteur des centres d’appels continue de s’imposer comme l’un des premiers pourvoyeurs d’emploi au Maroc. En fait, affirme Youssef Chraibi, président de la Fédération marocaine de l’externalisation des services (FMES), interrogé par Le360, malgré une conjoncture économique mondiale difficile, le secteur a pu maintenir une dynamique qui lui a permis de créer environ 10.000 nouveaux postes en 2023 et devra en générer près de 15.000 en 2024.
Cette capacité à créer de l’emploi est attribuée par ce professionnel à la diversité des métiers offerts par les centres d’appels, «qui vont bien au-delà de la simple relation client et s’étendent à des activités à plus forte valeur ajoutée, comme l’analyse de données ou de plus en plus l’intégration de solutions de l’Intelligence artificielle».
Cette évolution ressort également des statistiques fournies par Rekrute.com, site de recrutement de premier plan au Maroc. Ces chiffres indiquent, en effet, que le secteur des centres d’appels a enregistré 9.398 postes ouverts au cours des neuf premiers mois de 2024, en hausse d’environ 0,5% par rapport à la même période de l’année dernière.
Cette croissance quoique «modeste, montre que le secteur reste stable et continue à attirer un nombre important de recrutements», note Philippe Montant, directeur général de Rekrute.com, dans une déclaration pour Le360.
S’agissant du niveau d’instruction des employés, le secteur des centres d’appels attire principalement de jeunes diplômés, avec une majorité d’employés titulaires d’un Bac+2 ou Bac+3, relève Youssef Chraibi.
«Cependant, nous constatons aussi une montée en compétence avec un nombre croissant de collaborateurs ayant des diplômes Bac+4 et plus, notamment pour des postes plus techniques ou nécessitant des compétences spécifiques, comme la gestion de la relation client digitale ou le développement et l’intégration de logiciels liés à l’expérience client ou à la Robotic Process Automation (RPA)», signale-t-il. Cette diversité des profils, estime-t-il, permet de répondre aux exigences croissantes des clients en attente de solutions alliant l’humain à la technologie.
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Les statistiques de Rekrute.com sur les postes proposés par niveau d’études montrent qu’à fin septembre 2023, Bac et Bac+1 représentent la majorité des offres, avec un nombre de 4.865, «ce qui montre une forte demande pour des profils de base», souligne Philippe Montant.
Les postes offerts pour Bac+2 et Bac+3 sont, quant à eux, au nombre de 4.364, ce qui fait état également d’«une demande importante pour des profils intermédiaires», ajoute-t-il. En revanche, les postes proposés pour les profils Bac+4 et Bac+5 n’ont pas dépassé 119, «suggérant une demande moindre pour des qualifications élevées», poursuit-il.
Pour 2024, la forte demande pour des niveaux d’instruction de base s’est confirmée, avec 5.211 postes ouverts pour Bac et Bac+1 à fin septembre dernier. À contrario, les Bac+2 et Bac+3 (3.258 postes) ont connu une baisse par rapport à 2023, «indiquant un ajustement de la demande pour ces niveaux».
Un niveau élevé de turnover dans le secteur
Bac+4 et Bac+5 (929 postes) ont enregistré, quant à eux, «une augmentation significative, montrant un besoin croissant pour des qualifications plus élevées dans le secteur». Philippe Montant a fait remarquer, par ailleurs, que certains employés des call centers poursuivent, en parallèle, leurs études.
«Ce secteur est donc un magnifique outil de progression, permettant à des jeunes qui n’ont pas les moyens de faire des études de les poursuivre en travaillant, cela favorise donc l’ascenseur social», souligne-t-il.
Ce secteur est, toutefois, connu par un niveau élevé de rotation, dont les estimations avancées par le passé le situaient entre 10% et 25%, et des conditions de travail qui sont souvent qualifiées de difficiles.
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«Le turnover reste effectivement une problématique dans le secteur, mais il a tendance à diminuer chez les plus gros acteurs du secteur qui ont pris conscience de l’importance de la fidélisation des talents», indique Youssef Chraibi.
«Nous avons renforcé nos plans de carrière, mis en place des programmes de formation continue, des opportunités d’évolution, et nous continuons à améliorer en permanence les conditions de travail en présentiel tout en permettant le télétravail à chaque fois que cela est demandé par nos collaborateurs et qu’il nous est possible de le proposer», relève-t-il.
Ces efforts commencent à porter leurs fruits, selon le président de la Fédération marocaine de l’externalisation des services qui évoque une diminution progressive du turnover, «même si le phénomène persiste dans certains métiers, notamment pour les postes de première ligne de télémarketing, segment en recul constant ces dernières années».
Les humains face aux robots
En outre, le secteur devra relever le défi de l’IA, qui est présentée par certains comme un concurrent des centres d’appels. «L’Intelligence artificielle est effectivement en train de transformer radicalement le secteur, et je considère que c’est une extraordinaire opportunité pour nous réinventer en apportant à nos clients le meilleur de la technologie combinée à l’authenticité irremplaçable des interactions humaines», estime notre interlocuteur.
«Les robots ne replaceront pas les humains dans nos métiers, ce sont les humains qui utilisent intelligemment les robots qui remplaceront ceux qui ne les utilisent pas», explique-t-il, affirmant que l’IA est un formidable atout pour la gestion de la relation client.
Elle permet, précise-t-il, de gagner en productivité, en automatisant certaines tâches simples et répétitives, ce qui libère les téléconseillers pour des missions plus complexes, de conseil personnalisé par exemple qui permet de créer du lien avec les clients. Le véritable enjeu pour le secteur est d’adopter ces nouvelles technologies tout en formant les collaborateurs à de nouveaux métiers, comme la gestion des interactions basées sur l’IA, conclut-il.
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Le secteur fait aussi face au phénomène des freelances, avec des collaborateurs indépendants qui travaillent directement avec les clients donneurs d’ordre. «Le phénomène des freelances est en effet en train de se développer, mais il reste pour le moment très marginal dans le secteur des centres d’appels au Maroc», selon Youssef Chraibi.
Cette pratique, explique-t-il, répond à une demande spécifique, notamment pour des entreprises qui cherchent une flexibilité maximale. Toutefois, relève-t-il, cela pose également des défis en termes de formation, et donc de qualité de service. «Le modèle freelance doit s’accompagner de standards clairs pour garantir la satisfaction des clients finaux», recommande-t-il. C’est la raison pour laquelle les contrats en CDI sont la norme dans notre secteur et devraient le rester, souligne-t-il.