Le média du service public allemand Deutsche Welle braque ses projecteurs sur le rôle crucial joué par le Maroc et le groupe OCP dans l’atténuation de la crise alimentaire en Afrique. Dans un récent article publié sur son site internet, Deutsche Welle souligne en effet que les exportations marocaines d’engrais «contribuent à réduire la faim en Afrique subsaharienne», rappelant que le Royaume détient environ 75% des réserves mondiales de roche phosphatée, un minéral utilisé dans les engrais. En 2020, le Maroc avait des réserves d'environ 50 milliards de tonnes métriques de roche.
Ce rôle joué par le Maroc est d’autant plus important que la menace d’une crise alimentaire plane sur le continent, écrit l’auteur de l’article. Cette menace survient alors que plus de 264 millions de personnes en Afrique subsaharienne sont sous-alimentées, en raison de la pauvreté et des conflits et après que l'inflation des prix alimentaires au niveau mondial a atteint l'an dernier son plus haut niveau en 10 ans.
Dans le même temps, une grande partie du sol agricole des pays africains est de mauvaise qualité, en partie à cause de la géographie, de la dégradation de l'environnement et de la monoculture.
Plutôt que de se contenter d'exporter la matière première, le Maroc a décidé il y a des décennies de devenir l'un des plus grands producteurs d'engrais au monde, rappelle la publication, qui précise qu’en 2020, l’OCP détenait une part de marché de 54% des exportations d'engrais vers l'Afrique.
Ce qui fait dire à Michael Tanchum, chercheur Middle East Institute à Washington, cité par Deutsche Welle, que le Maroc, en rehaussant ses ambitions, est devenu un «gardien de l'approvisionnement alimentaire mondial».
D’impressionnantes hausses des rendementsA ce titre, la politique africaine menée par l’OCP est d’une importance majeure. Deutsche Welle souligne en effet que le géant marocain du phosphate a mis en place plusieurs joint-ventures avec d'autres pays africains pour transformer le phosphate en phosphore, un nutriment clé dans les engrais. La firme possède déjà des filiales dans 12 pays africains, dont le Nigeria, le Ghana, la Côte d'Ivoire et le Sénégal.
Le programme Agribooster de l’OCP pour former les agriculteurs du continent au meilleurs pratiques agricoles est également mis en avant par l’auteur de l’article, qui précise que ce programme a bénéficié à plus de 630.000 agriculteurs, ce qui a entraîné des rendements agricoles beaucoup plus élevés. Le rendement du maïs au Nigeria a ainsi augmenté de 48 % et le rendement du mil au Sénégal a augmenté de 63 %, précise-t-on.
«Le Maroc réalise des augmentations impressionnantes des rendements agricoles à travers l'Afrique, empêchant la crise alimentaire du continent de s'aggraver», affirme Tanchum.
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Selon ce chercheur, 2022 est une année de grands défis pour la sécurité alimentaire de l’Afrique, et le Maroc aura un rôle clé à jouer. Ainsi, «avec une inflation alimentaire susceptible de rester élevée en 2022, le rôle du Maroc pour aider à garantir des produits stables et abordables sera encore plus critique», affirme-t-il.
«L'agriculture est non seulement vitale pour améliorer la sécurité alimentaire, mais c'est aussi une source majeure de revenus pour les Africains, avec près de la moitié de la population africaine employée dans le secteur agricole», explique Tanchum.
Le Maroc au défi du coût de l’énergiePour que le Maroc puisse continuer à approvisionner en engrais les agriculteurs africains dans de bonnes conditions, il devra relever le challenge de l’énergie, dont les prix ont connu une forte hausse ces derniers mois.
«L'extraction de phosphate et la production d'engrais sont des processus à forte consommation d'énergie et d'eau, responsables de la consommation d'environ 7% de la production annuelle d'électricité du Maroc et de 1% de son approvisionnement en eau», fait remarquer DW, citant le rapport du MIE.
Un autre ingrédient clé de nombreux engrais est l'azote, qui est produit à partir de gaz naturel. Le gaz naturel représentait au moins 80 % du coût de production des engrais azotés.
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Or, les perturbations causées ces des deux dernières années par la crise pandémique ont limité l'approvisionnement en gaz naturel, faisant monter en flèche les prix. Les hausses de prix ont «déclenché un cercle vicieux de flambée des prix des engrais et des denrées alimentaires», a déclaré Tanchum, ce qui a non seulement eu un impact sur le coût de la production de phosphate, mais menace également de déclencher une nouvelle vague de faim en Afrique subsaharienne.
Tanchum considère les énergies renouvelables comme essentielles pour aider le Maroc à maintenir la croissance de l'extraction de phosphate et de la production d'engrais. Cela aidera le Maroc, selon lui, à «échapper au cercle vicieux de la spirale ascendante des prix dans le lien alimentation-énergie-eau», écrit-il dans le rapport.
Le Maroc a les moyens de relever ce défi, puisqu’il dispose déjà de vastes ressources d'énergie solaire et éolienne, suffisantes pour répondre à près d'un cinquième des besoins en électricité du pays, indique l’auteur de l’article, qui rappelle que Rabat a signé des accords avec Berlin ces dernières années pour développer deux projets d'énergie verte à base d'hydrogène.
Comme le Maroc a peu de ressources en gaz naturel, l'hydrogène vert a été présenté comme un moyen d'aider l’OCP à synthétiser l'ammoniac vert, qui a une teneur élevée en azote, un ingrédient clé des engrais.
«L'utilisation de l'énergie verte pour la production d'engrais, à la fois comme source d'énergie pour la fabrication de l'apport d'ammoniac vert aux engrais, et le dessalement de l'eau est une voie pour sortir de ce cercle vicieux», conclut le chercheur.