Le Conseil de la concurrence vient de dévoiler son avis sur le marché des assurances au Maroc. Dans ce document de 95 pages, publié ce jeudi 24 août, le Conseil analyse le cadre légal et réglementaire régissant le secteur, son fonctionnement, les acteurs et intervenants y opérant, les produits commercialisés, les prix pratiqués ainsi que les canaux de distribution existants.
Parmi les principales conclusions de cet avis, l’existence d’un nombre d’insuffisances et de barrières affectant négativement la performance concurrentielle du secteur notamment les barrières à l’entrée «relativement élevées» qui verrouillent doublement l’accès au marché de l’assurance au Maroc.
Il s’agit notamment de l’exigence de capital social pour les Entreprises des Assurances et de Réassurances (EAR) qui doit être d’au moins 50 millions de dirhams en plus d’un fonds d’établissement minimum de 50 millions (50.000.000) de dirhams et d’un nombre minimum de 10.000 sociétaires.
Le Conseil relève également l’existence de conditions de sortie accordant un pouvoir discrétionnaire et disproportionné au régulateur sectoriel, en l’occurrence, l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS).
«L’analyse du marché de l’assurance a fait ressortir des indices sur l’existence de risques concurrentiels qui pourraient entraver le fonctionnement concurrentiel de ce marché. Le Conseil se réserve le droit d’ouvrir des enquêtes à ce sujet en vue de corriger les dysfonctionnements qui pourraient affecter la concurrence dans ce marché», souligne l’institution dirigée par Ahmed Rahhou.
Une offre limitée et peu innovante
De son côté, l’offre assurantielle est jugée limitée, peu innovante et avec un niveau de concentration très élevé des opérateurs. Au niveau global, le marché marocain de l’assurance est très concentré du fait que les trois premières EAR concentrent 46% de la production globale du secteur, les 4 premières près de 57,20% et les six premières près de 80%, souligne l’avis du Conseil.
Sur certaines branches, la concentration est plus importante, 70% du marché de l’assurance-vie est assuré par les 3 premières EAR (Mutuelle Attamine Chaabi, Wafa Assurance et RMA). Concernant l’assurance non-vie, les 5 premières EAR concentrent 75% du marché (Sanlam Maroc, Wafa Assurance, AtlantaSanad, RMA, AXA Assurance Maroc).
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Le cadre de régulation est décrit quant à lui comme étant figé limitant l’ouverture et le développement du marché à cause notamment d’une intervention des professionnels dans le processus de prise de décision du régulateur.
Le consommateur, le maillon faible
Pour ce qui est de la relation avec les clients, le Conseil de la concurrence note que le consommateur est «maillon faible» de la relation contractuelle. «Le contrat d’assurance est un contrat consensuel et même un contrat d’adhésion pour les clients, notamment le consommateur qui ne dispose pas d’un pouvoir de négociation», souligne-t-on.
Selon l’analyse du Conseil, les contrats d’assurance sont rédigés d’une manière très complexe laissant le consommateur, même le plus averti, perplexe quant aux vrais droits et exclusions découlant du contrat signé. Cette position dont bénéficie l’assureur est due essentiellement à son pouvoir économique, malgré l’intervention du législateur pour garantir la transparence des conditions de contrat et protéger l’assuré.
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Le Conseil de la concurrence pointe également la lourdeur du processus de traitement des dossiers sinistres impacté par la multiplicité des intervenants, notant que dans certains cas le consommateur se trouve face à une multitude d’intervenants: les EAR, l’intermédiaire, le ou les experts et le garagiste.
Par ailleurs, le rapport relève que la profession d’expert en assurance automobile n’est pas réglementée et ne requiert pas de qualifications spécifiques. Par conséquent, leur impartialité pourrait être compromise en raison des pressions commerciales et du fait de leur non assujettissement à la supervision du régulateur.