Il s’en est certes défendu dès l’entame de son analyse, en insistant sur le fait que le point de presse n'est pas destiné à faire une "évaluation de la dernière législature ni celle des perspectives de la prochaine". Il faut bien reconnaître que la lecture que vient de faire le Haut-commissaire au Plan aura eu le mérite d’éclairer sur ce qui attend concrètement la prochaine équipe gouvernementale en matière de croissance économique.
Il est vrai que cette dernière sortie d’Ahmed Lahlimi était surtout attendue pour savoir si les prévisions de croissance pessimistes du début d’année sont toujours maintenues, ou si l’économie nationale allait encore réserver des surprises.
A ce niveau, il n’y a pas grand-chose à souligner, si ce n’est cette légère révision à la hausse du taux de croissance pour l’année en cours. Au lieu de 1,3% annoncé précédemment, le HCP table désormais sur 1,5%. L’économie marocaine devrait mieux tirer profit du comportement de l’élevage, de l’arboriculture et du maraichage. Ces derniers ont en effet réalisé de meilleures performances que prévu. Avec les produits de la pêche, ils ont réduit l’impact du déficit dans le secteur céréalier.
Un secteur non agricole pas au topCeci dit, c’est bien au niveau des secteurs non agricoles que l’analyse du HCP sonne l'alerte. «Les faiblesses de notre croissance résident davantage dans le niveau de diversification et de compétitivité du secteur non agricole», rappelle une nouvelle fois Ahmed Lahlimi. Cette année le prouve encore.
La forte décélération des activités tertiaires, qui constituent 66% de la valeur ajoutée du secteur non agricole, a coïncidé avec la crise du BTP, et en particulier celle du bâtiment qui en représente plus de 80%. L’endettement des entreprises et des ménages et la politique de distribution des crédits bancaires sont aujourd’hui à l’origine de cette crise, après en avoir été le moteur de croissance.
Pour le HCP, la décélération du BTP dans son ensemble et la faible croissance du secteur non agricole interpellent, aujourd’hui, sur l’urgence qui s’attache à la valorisation de l’effort d’investissement consenti par le pays dans les infrastructures économiques et sociales.
L’industrialisation, un impératifPour Ahmed Lahlimi, il est aujourd’hui nécessaire de concevoir un nouveau modèle de développement porté par l’industrie. Il est vrai que les nouveaux métiers mondiaux sont d’un apport conséquent pour la croissance ces dernières années et offrent de belles perspectives pour l’avenir. Cependant, il ne faudrait pas omettre les industries classiques qui jouissent d’effets d’entrainement élevés sur la croissance de la valeur ajoutée et la création d’emplois. «Les nouveaux métiers doivent donner l’exemple d’une délocalisation industrielle réussie afin de ne pas être perçus comme l’illustration d’une délocalisation territoriale par le pays hôte», recommande le Haut-commissaire au plan.
Cette conclusion pourrait bien découler de la constatation que, malgré les évolutions qu’a connues l’économie nationale ces dernières années, la croissance se maintient «dans un équilibre bas», comprenez qu’elle reste faible.
Cette croissance est principalement portée par la demande intérieure, en raison de la reprise, après deux années de baisse, de l’investissement et le maintien, même à un rythme modéré, de la consommation finale tirée, en particulier vers le bas, par une baisse continue du rythme de croissance de la consommation des ménages.
Le hic à ce niveau est que, selon la même source, le rythme d’accroissement du pouvoir d’achat par habitant connait un net ralentissement passant de 3,4% par an entre 2005 et 2009 à 2,5% entre 2010 et 2014, alors que leur dette financière est passée de 16,6% du PIB en 2004 à 30,5% en 2014 et la dette bancaire des entreprises non financières est passée de 31,2% à 50,1%. «Dans ces conditions, la croissance économique continuerait à varier, au gré des conditions pluviométriques», fait remarqué le HCP.
D’où la nécessité de revoir les bases de notre modèle économique. Et dans ce cadre, le HCP appelle à fédérer les efforts du secteur privé, de l’administration et des institutions élues pour engager un réajustement résolu de notre modèle dans le cadre d’une nouvelle ère de croissance. Cette dernière doit être axée sur «l’industrialisation où l’Etat se décide, au-delà des infrastructures, résolument, à investir dans les secteurs productifs dont il s’est pendant longtemps retiré».