«Sur le plan macroéconomique, les priorités pour le Maroc sont à la fois très claires et très difficiles à mettre en place: il s’agit de rétablir petit à petit les marges de manœuvres budgétaires utilisées l’an dernier pour faire à aux effets de la crise sanitaire, tout en continuant à soutenir la reprise, qui reste incertaine»... C’est ainsi que le chef de la mission du FMI chargé du Maroc, Roberto Cardarelli, a résumé le défi que devra relever le gouvernement au cours des prochains mois.
«L’équilibre sera très difficile à trouver», a reconnu Cardarelli. Des signaux de reprises de l’activité économique sont certes perceptibles, mais beaucoup d’incertitudes persistent, a ajouté ce responsable au FMI.
Pour l'institution, il est nécessaire de commencer à réduire, graduellement, le niveau de la dette du Trésor qui a considérablement durant l’année précédente, et qui devrait atteindre 831 milliards de dirhams en 2020 (soit 76% du PIB). «Le niveau de la dette reste soutenable sur le court-terme, mais sur le long-terme, cela pourrait devenir source de vulnérabilité», a explique le chef de la mission du FMI pour le Maroc, au cours d’une conférence de presse qui s’est tenue hier, mardi 5 janvier 2021, en visioconférence.
Croissance: un rebond incertainCela étant dit, la mission du FMI au Maroc a globalement livré une appréciation positive de la situation économique nationale. «La résilience des paiements et la baisse des importations ont permis de contenir les besoins de financement extérieur du Maroc», indique le FMI, qui table sur une croissance de 4,5% en 2021 pour le Royaume, après une récession de -7,2% en 2020.
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Le Fonds a indiqué que les effets de la sécheresse et de la pandémie s’estompent, et que la politique monétaire et budgétaire reste accommodante. La reprise du tourisme et des revenus des exportations devraient conduire à une amélioration graduelle du déficit actuel.
Toutefois, «cette perspective est assujettie à une incertitude exceptionnelle, avec beaucoup de risques liés à la référence de base selon l’évolution de la pandémie et les progrès au niveau du vaccin à la fois au Maroc et auprès de ses partenaires commerciaux», a noté l’institution née à Bretton Woods.
Plus besoin de LPL?L'institution financière internationale, dont le siège se trouve à Washington DC, a noté par ailleurs que les réserves en devises «sont largement au-dessus» du niveau de l’année précédente, notamment grâce au recours à la Ligne de précaution et de liquidité (LPL) en avril dernier, ainsi qu’à un plus grand accès au financement extérieur.
A propos de la LPL, Roberto Cardarelli a affirmé que la décision des autorités marocaines de rembourser par anticipation une partie des 3 milliards de dollars empruntés en avril 2020 témoigne «de la situation calme et confortable au niveau des financements extérieurs».
De même, la dernière sortie du Trésor sur le marché international, qui lui a permis de levé près de 3 milliards d’euros dans de très bonnes conditions, est un signal positif de la santé financière du pays.
Reste à savoir si malgré le matelas très confortable de réserves en devises dont dispose le Maroc (plus de 300 milliards de dirhams à fin décembre, un record), les autorités monétaires solliciteront une nouvelle LPL auprès du FMI. Au vu des propos tenus par Roberto Cardarelli, une nouvelle LPL ne semble pas à l’ordre du jour.
«Nous n’avons pas eu de discussions avec les autorités marocaines sur une reconduction de la LPL», a-t-il déclaré. Mais, a-t-il ajouté, «si un choc externe venait à survenir et que le Maroc a besoin de ressources, nous sommes prêts à discuter de toutes les formes d’aides que le FMI peut mettre en place».
Les banques tiennent le chocLe chef de la mission du FMI pour le Maroc s’est aussi exprimé sur un autre sujet qui préoccupe les autorités, à savoir l’impact de la crise sur le secteur bancaire nationale. Sur ce point aussi, le FMI s’est montré rassurant: «les banques ont jusqu’à présent fait preuve de résilience», a indiqué Maximilien Queyranne, économiste au FMI.
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«Le crédit a continué à augmenter en 2020, reflétant à la fois une réponse forte de la banque centrale, qui a amélioré les conditions d'accès aux liquidités et réduit les taux d’intérêt, outre les programmes de crédits garantis du gouvernement», a-t-il souligné.
Face à la montée des impayés et des créances en souffrance, les établissements bancaires ont considérablement augmenté leur provision pour se préparer à absorber les risques sur leur portefeuille de crédit.
Et de conclure: «il n’y pas de crise bancaire!» Du reste, a-t-il poursuivi, la Banque centrale est attentive, et le dernier stress-test conduit en décembre sur le secteur bancaire national a été concluant.
Réformes: les priorités du FMISur le chapitre des réformes structurelles que le gouvernement doit entreprendre, le Fonds juge prioritaires deux d’entre elles: la réforme de la protection sociale et celle des entreprises publiques.
«La crise à montrer l’urgence de consolider les filets sociaux», a souligné le FMI, qui a salué au passage l’engagement des autorités à rendre l’accès à la couverture plus équitable, tout en améliorant le ciblage et en rationalisant les dépenses sociales.
De même, le FMI a exprimé son soutien au plan des autorités marocaines visant à réformer les grandes entreprises publiques afin d’améliorer leur efficacité et gouvernance.
Enfin, le Fonds a insisté sur la nécessité de poursuivre les efforts de lutte contre la corruption, et d’accélérer la réforme de l’Administration, à travers, notamment, la digitalisation des services publics.