Vous avez été nommé en juillet dernier à la tête de l’Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE). Quel premier bilan faites-vous de la situation des Investissements Directs Etrangers et des exportations marocaines ? La dynamique est très positive. Les Investissements Directs Etrangers (IDE) et les exportations ont atteint des niveaux records à fin juillet 2022. Après une croissance de 24% en 2021, les exportations marocaines ont enregistré une nette progression de 41% au cours des 7 premiers mois de l’année 2022, portée notamment par l’embellie réalisée par le secteur automobile qui a enregistré sa meilleure performance depuis 5 ans avec près de 60 milliards de dirhams sur cette période. Les exportations des industries agro-alimentaires et du secteur textile-cuir ont, quant à elles, également progressé respectivement de 23% et de 29%.
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De son côté, le flux net des IDE a atteint 17,6 milliards de dirhams entre janvier et juillet 2022, soit une amélioration de 80% par rapport à la même période de 2021. Tous ces chiffres illustrent indéniablement la compétitivité qui caractérise nos industries et l’attractivité de notre pays en tant que plateforme d’investissement, résultat de la vision à long terme et de la transformation économique impulsées par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, depuis 20 ans.
Le Maroc a réussi à attirer beaucoup d’investisseurs ces dernières années, mais des contraintes continuent d’être relevées par les acteurs de l’écosystème. Quelles sont les principales difficultés et comment dépasser ces obstacles? Le Maroc offre une combinaison de facteurs qui en fait une destination attractive pour les investisseurs nationaux et étrangers. En premier lieu, la stabilité et la vision programmatique qui inscrivent les stratégies nationales dans la durée et donnent une véritable cohérence à la politique publique. L’accès à plus de 1,6 milliards de consommateurs grâce aux accords de libre-échange dont bénéficie le Royaume, adossé à une infrastructure de qualité mondiale, permettent ensuite de pleinement bénéficier des opportunités de marchés mondiales. Viennent enfin nos facteurs de production: des ressources humaines de grande qualité, dont témoignent les plus grandes entreprises internationales installées au Maroc qui opèrent notamment dans des secteurs très exigeants comme l’aéronautique ou l’engineering; des énergies renouvelables parmi les plus compétitives au monde.
Pour pleinement profiter des atouts du Royaume, nous devons poursuivre les chantiers structurants, en tête l’amélioration du climat des affaires en facilitant l’axe d’investir et en allégeant les procédures administratives. L’investissement dans le capital humain, et notamment l’adéquation de l’offre de formation au besoin des entreprises, demeurent des sujets prioritaires. L’amélioration du prix du foncier est également attendue pour accélérer l’investissement, notamment dans le secteur industriel. La compétitivité logistique ou encore les coûts de l’énergie doivent également être adressés pour encourager davantage les investisseurs.
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Le fait même de disposer d’un ministère dédié à l’Investissement, placé sous la responsabilité du Chef du gouvernement, illustre la détermination du gouvernement à apporter des réponses rapides à certaines contraintes qui obèrent le potentiel du Royaume en matière d’investissement. Ainsi, le projet de la nouvelle charte de l’investissement crée le cadre qui permet de répondre aux différentes contraintes identifiées.
L’écosystème international évolue de manière très rapide, pensez-vous que la production nationale est assez compétitive pour faire face à la concurrence étrangère? Nos secteurs exportateurs sont exposés en permanence à la concurrence mondiale. Les investisseurs étrangers qui ont choisi le Maroc, l’on fait précisément par souci de compétitivité. Cette dernière ne se traduit pas simplement par le fait d’offrir le coût de production le plus bas. Le coût de production n’est qu’un facteur qui compose la compétitivité globale de la production nationale. Le respect de la qualité, la capacité à livrer à temps, la disponibilité et l’agilité des compétences associées au coût des facteurs de production constituent ensemble la compétitivité globale du Royaume.
Si la production nationale n’était pas compétitive, comment expliquer que Boeing, dont la majorité des lignes de production sont installées sur la côte Ouest américaine, s’approvisionne depuis le Maroc? Ou qu’Inditex, leader mondial du fast fashion, s’appuie sur les industriels marocains du textile? Que l’industrie pharmaceutique marocaine exporte plus de 20% de sa production? Une fois de plus, les atouts intrinsèques du Maroc, combinés à la Vision de long terme et au volontarisme politique placent le Maroc parmi les destinations les plus compétitives mondialement.
Qu’en est-t-il du défi de la décarbonation que doivent relever les industriels marocains pour continuer à exporter en Europe? La révolution portée par les stratégies de neutralité carbone des grands pays industrialisés offre un nouvel avantage majeur pour la production nationale. En décarbonant nos exportations, nous améliorons la valeur du produit, tout en réduisant son coût de fabrication. La majorité de nos concurrents sur les marchés internationaux ne disposent pas de ce même avantage qui devient un facteur déterminant de nos clients. Les perspectives de compétitivité de la production nationale, et donc de l’offre exportable, sont donc très bonnes.
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Les performances actuelles et futures du Maroc à l’export doivent être rappelées. L’une des missions de l’AMDIE est justement de faire évoluer la perception du Maroc sur le plan économique à travers la communication et les rencontres d’affaires, tout en facilitant la mise en relation des entreprises marocaines avec les donneurs d’ordre internationaux.
Comment comptez-vous alors accompagner nos industriels dans le développement de leurs exportations? Quels sont les marchés prioritaires aujourd'hui? En renforçant la visibilité de l’offre exportable, c’est notamment le travail qui est réalisé par les équipes de l’AMDIE qui accompagnent les entreprises marocaines dans le cadre des grands salons et foires internationales, mais aussi en travaillant de manière ciblée sur les potentialités de marchés. A ce titre, l’AMDIE et le département du commerce analysent les couples produits-marchés prioritaires dans le cadre d’une étude qui a impliqué les associations et fédérations professionnelles.
L’écosystème national attend avec impatience l’adoption de la nouvelle Charte de l’investissement. Comment cette loi participera-t-elle au développement des IDE et des exportations marocaines?La nouvelle charte de l’investissement a pour ambition d’inverser la répartition actuelle entre l’investissement public et l’investissement privé afin de porter ce dernier aux deux tiers de l’investissement total à l’horizon 2035, conformément à l’esprit et à l’ambition du Nouveau Modèle de Développement. Si le taux d’investissement au Maroc est parmi les plus élevés au monde, aux alentours de 30% du PIB, tandis que la moyenne mondiale se situe autour de 25% et celle de l’OCDE de 22%, il est porté aux 2/3 par le secteur public.
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Pour permettre cette inversion et engager le secteur privé davantage dans la dynamique de croissance attendue, le projet de nouvelle charte de l’investissement, appelée des vœux de Sa Majesté le Roi, offre un cadre adapté aux nouveaux enjeux et défis du Royaume et aux attentes des investisseurs nationaux et internationaux. Le projet de loi-cadre ambitionne d’encourager les investissements des très petites, petites et moyennes entreprises tout comme ceux des grandes entreprises.
Elle apporte des évolutions majeures comme l’élargissement de la base des projets éligibles, l’augmentation du niveau de soutien de l’Etat et l’instauration de primes en ligne avec les objectifs du Nouveau Modèle de Développement et du programme gouvernemental.
L’AMDIE a récemment lancé un appel d’offres pour l’élaboration d’un manuel des procédures. Quel est l’objectif de cet instrument?Afin qu’elle puisse produire pleinement tous ses effets, la nouvelle Charte de l’Investissement requiert des mécanismes clairs de déploiement. L’une des évolutions majeures offerte par ce nouveau cadre réside dans le fait d’avoir à déléguer une partie des opérations au niveau régional, conformément au chantier structurant de la régionalisation avancée. L’objectif du manuel des procédures est de définir les rôles et responsabilités des différentes parties prenantes, les modalités de délégations, la documentation requise. Un travail conséquent, que nous souhaitons lancer au plus tôt pour être prêt le moment venu.