L’affaire remonte à fin novembre 2013. La direction de la Lydec reçoit une notification de la direction régionale des impôts de Casablanca. Celle-ci informe la société délégataire de la distribution d’eau et d’électricité à Casablanca de sa décision de taxer un de ces fonds à hauteur de 813 millions de dirhams. Un montant mirobolant… Dans le détail, le fisc a procédé au redressement du "Fonds des travaux" de la société délégataire au titre de l’Impôt sur les sociétés (IS) et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour respectivement 488 et 325 millions de dirhams, et ce pour la période 2009-2012. Après avoir informé l’autorité de tutelle, via un courrier daté du 21 janvier 2014, la Lydec pensait que l’affaire était close. Surtout qu’au préalable, la filiale de Suez Environnement avait adressé une correspondance explicative au fisc exposant son argumentaire quant au non fondé de cette décision. Mais les inspecteurs de Nourredine Bensouda (directeur de l’administration des impôts) ne s’arrêtent pas là. Le 10 juillet 2014, ils envoient une lettre de rappel. Du coup, c’est la panique au sein de la direction de la Lydec. "Le jour même, une réunion a été organisée au siège de la direction régionale des impôts de Casablanca. Elle a réuni, en plus des inspecteurs des impôts chargés du dossier, des responsables de la Lydec mais aussi de l’autorité délégante relevant du ministère de l’Intérieur", nous explique une source proche du dossier. "Suite à cette rencontre, il a été décidé de temporiser et de laisser le temps à la filiale de Suez Environnement de préparer un nouvel argumentaire. "Mais il est peu probable que cela puisse convaincre le fisc qui est plutôt dans une approche de chasse aux grands dossiers", ajoute notre source.
Une information capitale non communiquée
Au sein de la Lydec, on cherche toujours à minimiser l’ampleur de l’affaire. Confronté aux éléments en possession de Le360, le staff dirigeant de la société délégataire s’est contenté d’une réponse laconique. "Des discussions techniques, de cohérence avec la réglementation et ses évolutions sont effectivement actuellement en cours avec l'administration fiscale au sujet de la fiscalité du compte Fonds de Travaux. Ces échanges, qui revêtent un caractère ordinaire, sont menés en étroite concertation avec l'autorité délégante et l'autorité de tutelle de la gestion déléguée", souligne la direction chargée des relations médias au sein de la Lydec.
Sur le marché boursier, cette nouvelle risque de faire l’effet d’une bombe. "800 millions de DH est un montant stratosphérique. Il représente près de trois fois les résultats dégagés par Lydec en 2013", nous assure un analyste financier. Et d’enchaîner : "Ce qui est curieux, c’est que cette société cotée n’a pas jugé utile de communiquer au marché cette information capitale, sachant que la notification du fisc est intervenue bien avant la communication des résultats annuels 2013". Mais il faut dire que les finances de la Lydec contiennent déjà beaucoup de zones d’ombres. Dans les comptes de la société, il y a toute une rubrique qui évoque des "passifs éventuels" dont les montants donnent le tournis. "L’Autorité délégante demande le versement d’une somme de 546 millions de DH et des redressements comptables de 892 millions de DH comme conséquence des conclusions du rapport d’audit de la gestion déléguée sur la période 1997-2006", peut-on lire dans cette rubrique des comptes rendus publics par la filiale de Suez Environnement. Outre ce dossier qui traîne depuis 2012, l’Office des changes a également relevé des irrégularités de la Lydec suite au contrôle qu’il a effectué sur des opérations entre la période 2005-2012. Le fisc vient donc aujourd’hui s’ajouter à la liste des administrations qui ont la Lydec dans le collimateur.