Pas moins de 54 pays (dont le Maroc) ont déjà signé l’accord sur une Zone de libre-échange continentale africaine (Zleca). Dans les sphères politiques, l’accord est perçu comme une «priorité» sur la voie de l’intégration africaine.
Quid du secteur privé marocain? A-t-on suffisamment anticipé, analysé et mesuré les impacts de l’entrée en vigueur de la Zleca sur le tissu productif national?
«La Zleca est une aubaine pour le secteur privé», affirme d’emblée Mohamed Laâziz Kadiri, président de la commission «Diplomatie économique, Afrique et Sud-Sud» à la CGEM, contacté par Le360. Cela dit, insiste-t-il, cet accord, qui porte des ambitions à long terme, doit faire l’objet d’une large concertation.
Kadiri appelle ainsi le gouvernement à associer le secteur privé dans les préparatifs pour les futures négociations. Celles-ci seront décisives dans la détermination des listes des produits qui seront couverts par l’accord commercial sur la ZLECA.
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A ce jour, du côté marocain, la seule étude menée sur les perspectives de la ZLECA émane du cabinet Mazars, mandaté par le ministère de l’Industrie, de l’investissement et du commerce.
Plusieurs fédérations sectorielles membres de la confédération patronale ont été approchées pour formuler leurs propositions (les produits et les industries à protéger, etc). Seulement voilà: la CGEM déplore n’avoir reçu aucun feedback quant aux conclusions de cette étude. Les initiateurs de celle-ci refusent de communiquer la teneur du document, au prétexte de son caractère confidentiel.
Si le secteur privé nigérian a réussi à imposer son droit de regard au point de pousser Abuja à reporter la signature de cet accord en mars 2018, la CGEM, quant à elle, demande désormais à être impliquée, et de bout en bout, dans le processus de négociations. Pour le patronat marocain, la ZLECA doit absolument protéger les intérêts des entreprises marocaines, y compris celles qui se sont développées en Afrique (soit hors du Maroc) durant les quinze dernières années.
Le président de la commission «Diplomatie économique, Afrique et Sud-Sud» soulève des interrogations de fond et n'hésite pas à remettre en question la portée de la Zleca. «L’Afrique n’est pas un continent industrialisé. Que va-t-on échanger au juste? Les échanges vont-ils se limiter aux matières premières? La Zleca ne serait profitable que si les pays d’Afrique réussissent le pari de l’industrialisation», soutient Laâziz Kadiri.
La ZLECA, poursuit-il, doit être saisie comme une opportunité pour s’atteler à l’amélioration du climat des affaires et au développement de l’industrie et des infrastructures en terre africaine.
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Les négociations sur la ZLECA s’annoncent donc rudes et compliquées. Pour mieux aborder ce virage, un comité de réflexion de haut niveau verra bientôt le jour, à l’initiative conjointe de la CGEM, Policy Center for the new South et de la Banque africaine de développement (BAD), confie Laâziz Kadiri, interrogé par Le360.
Ce think tank, dont l’annonce sera officiellement faite dans les jours qui viennent, sera en mesure d’édicter les recommandations et les orientations stratégiques qui devraient guider les négociations sur la Zleca.
A noter enfin qu’au sein de la CGEM, deux organes sont directement concernés par le dossier de la Zleca.
L’un à portée stratégique, en l’occurrence la commission «Diplomatie économique, Afrique et Sud-Sud».
Le second, à savoir la commission «Commerce extérieur et accords commerciaux», se chargera à son tour des aspects techniques de l’accord, appuyée par le savoir-faire de son président, El Aïd Mahsoussi.
Ce dernier, ancien secrétaire général du ministère de l’Industrie et du commerce, a été fortement impliqué dans les négociations précédant la signature de plusieurs accords de libre-échange, notamment celui signé avec les Etats-Unis ou encore celui connu sous le nom d’Agadir, liant le Maroc, l'Égypte, la Tunisie et la Jordanie.