Exonérations de la TVA: pas d’impact sur le pouvoir d’achat, selon les économistes

Un supermarché.

L’exonération de certains produits de large consommation de la TVA, apportée par la loi de finances 2024, censée réduire le coût de cette taxe pour soutenir le pouvoir d’achat des consommateurs, n’a pas produit l’effet escompté, selon deux économistes que nous avons fait réagir, Mehdi Lahlou et Mohammed Jadri.

Le 23/06/2024 à 09h38

La TVA à l’intérieur rapporte bien à l’État cette année. Au cours des cinq premiers mois de 2024, cet impôt indirect sur la consommation a généré plus de 14,44 milliards de dirhams de recettes nettes pour le Trésor public, en bond de 35,7% par rapport à la même période de l’année dernière.

C’est ce qu’indique le ministère de l’Économie et des Finances dans ses derniers chiffres sur la situation des charges et ressources du Trésor, attribuant cette performance essentiellement aux mesures introduites par la loi de finances 2024 (LF 2024).

Une explication qu’approuve l’économiste Mohammed Jadri, interrogé à ce sujet par Le360, s’attendant même à ce que cette hausse soit exponentielle à partir du mois de juillet 2024, avec l’entrée en vigueur du nouveau régime de retenue à la source (RAS) en matière de TVA introduit par l’actuelle loi de finances.

À rappeler que ce nouveau régime, qui vise à lutter contre la fraude à la TVA via de fausses factures et améliorer la transparence fiscale, prévoit deux sortes de RAS. La première est une RAS au taux de 100% sur les opérations effectuées par les fournisseurs de biens d’équipement et de travaux assujettis à la TVA.

Cette retenue doit être effectuée par le client assujetti lorsque le fournisseur ne lui présente pas une attestation, datant de moins de 6 mois, justifiant de sa régularité fiscale au titre des obligations relatives aux impôts.

La deuxième est une RAS de 75% du montant de la TVA pour les prestataires de services par les clients des entités du secteur public et pour les particuliers traitant avec des entités du secteur privé.

Médicaments, fournitures scolaires, beurre, conserves de sardines…

À noter que parmi les mesures introduites par la LF 2024, qui expliquent, selon le ministère, la hausse des recettes de la TVA, figure notamment l’élargissement du champ d’exonération de cette taxe pour inclure les produits de base de large consommation.

Il s’agit des produits pharmaceutiques, des fournitures scolaires, des produits et des matières premières entrant dans leur composition, du beurre dérivé du lait d’origine animale, des conserves de sardines, du lait en poudre et du savon de ménage.

Par ces mesures, le gouvernement a annoncé qu’il visait surtout un objectif social consistant à réduire le coût de la TVA pour mieux maîtriser l’inflation et soutenir le pouvoir d’achat des consommateurs.

Après cinq mois d’exécution de cette loi de finances, l’effet de ces mesures a-t-il été palpable à cet effet?

Interrogé par Le360, l’économiste Mehdi Lahlou explique d’abord que toute mesure fiscale vise trois objectifs. Il s’agit de rendre la fiscalité plus fluide, visible et prévisible. Ensuite, de renforcer les recettes fiscales de l’État. Enfin de renforcer le pouvoir d’achat des consommateurs, notamment les plus démunis, avec la fonction redistributive de l’impôt qui vise à réduire ou à atténuer les inégalités de revenus des ménages d’une même société.

Pour notre interlocuteur, la situation actuelle montre que c’est surtout le deuxième objectif qui est réalisé avec cette nette montée des recettes générées par la TVA à l’intérieur, comme le fait ressortir l’exécution de la LF 2024 à fin mai dernier.

Le pouvoir d’achat très affecté

Pendant ce temps, le troisième objectif n’est nullement atteint, comme en attestent, d’ailleurs, les difficultés rencontrées par les consommateurs lors de l’Aïd Al-Adha, note-t-il. Avec un pouvoir d’achat très affecté, une partie d’entre eux n’ont pas pu accomplir le sacrifice, souligne-t-il.

Même son de cloche du côté de Mohammed Jadri qui indique que les mesures relatives à la TVA introduites par la LF 2024 ont permis surtout de renforcer les recettes de l’État.

Ce qui constitue, d’ailleurs, note-t-il, le premier objectif de la réforme fiscale entamée en 2022 et qui a été focalisée sur l’IS en 2023, la TVA cette année, en attendant l’IR en 2025.

Le but étant, explique-t-il, de constituer des ressources nécessaires pour financer les grands chantiers de l’État, dont notamment ceux de la généralisation de la couverture sociale, des projets d’infrastructures pour être au rendez-vous de l’organisation de la Coupe du monde, le nouveau modèle de développement…

En revanche, l’impact de ces mesures sur la consommation et le pouvoir d’achat des ménages n’est pas palpable, affirme-t-il. En fait, explique-t-il, les baisses qu’ont connues les prix des produits concernés, comme les médicaments, sont plutôt dérisoires.

«Ce n’est pas avec ça qu’on va renforcer le pouvoir d’achat des citoyens», martèle-t-il, relevant que le plus important n’a pas été concrétisé par ces mesures, telle la TVA sur les carburants qui devait infléchir la progression des prix.

Par Lahcen Oudoud
Le 23/06/2024 à 09h38